Juan les Pins: la Passagère et sa fêlure

 

Juan, Belles Rives, vitraux

 

C’ est à croire que les lieux sont hantés par les personnages qu’ils incantent. Prenez l’admirable hôtel des Belles Rives, à Juan-les-pins. Il n’a de cesse, à juste titre, de se réclamer de Francis Scott Fitzgerald (Gatsby le Magnifique) qui séjourna dans le coin, alors que l’hôtel n’en était pas encore un. Le lieu est divin, la baie comme extraite d’un film en Technicolor. Il y a des atmosphères fitzgéraldiennes même si la clientèle n’est pas toujours de la meilleure distribution. Au restaurant, de nombreux chefs se sont succédés. En vain. Le dernier, Alain Llorca, passant comme un astéroïde laissant des impressions mitigées (euphémisme). Comme s’il y avait une Fêlure (« The Crack-up »), le titre d’un des derniers romans de Fitzgerald, le plus dérangeant dans sa confession d’une incapacité à aimer. Une constance à réussir ses échecs, louper ses réussites.

 

Juan, passagère, asperges
N’ayez crainte cependant, le restaurant La Passagère n’entretient aucune neurasthénie ni ne lâche les saucières à tour de bras. Bien au contraire. Il y a comme une félicité organisée, génétique. Le lieu se porte comme un charme. Et parfois, on aurait presque envie que Francis Scott Fitzgerald et Zelda s’en viennent à se chamailler, se lancer des cendriers, ramper sur la moquette du casino, la bouche pleine de billets pour les recracher au pied du portier. Au cours d’un de leurs délires alcooliques, ils tentèrent de scier en deux un garçon de café pour savoir comment c’était à l’intérieur. Dans les cuisines de La Passagère officie depuis une saison un chef formé par Alain Ducasse, Pascal Bardet, un authentique second qui arrive ici avec cette fameuse cuisine de mercenaire méditerranéen. Technique nickel et réussie, respect des produits avec ce garde-à-vous qui parfois nous exaspère mais qui n’a aucun défaut si ce n’est celui-ci. La formule du déjeuner à 48 euros est parfaite, surtout lorsque la terrasse est baignée par le soleil. Composition de pâtes, risotto aux premières asperges vertes, Parmiggiano Reggiano en fins copeaux ; vongole, calamar, poulpe de roche et haricots coco en salade tiède, sucs liés d’herbes pilées. Tout cela est enchanteur, sans aucune faute. Comme une démonstration. Le service est un brin guindé, voire comique dans ses salamalecs, mais cela fait aussi partie de la gastronomie française. La baie est ici toujours admirable. En août 1932, Emil Petersen, champion de ski norvégien, s’est élancé sur l’eau, chaussé de spatules en tôle de 20 cm de large. Le ski nautique venait de naître. Photos F.Simon

Juan, BR, fauteuils

  • Eva
    29 juin 2012 at 11 h 19 min

    C’est un article intéressant et je pense qu’il faut tester au moins une fois ce restaurant à Juan-les-Pins (l’hôtel aussi si on le peut). Cela fait quelques années que je n’y suis pas retournée mais pourquoi me laisser tenter avec les beaux jours qui sont (enfin!) arrivés pour essayer la terrasse !
    Bonne journée