Jeremy : Gustave Doré au Musée d’Orsay, voyage imaginaire

Une énigme. Dehors, pas un chat n’oserait se mouiller sous cette pluie fine qui ruisselle dans Paris. A l’intérieur, il est 11h30, et le musée d’Orsay grouille de visiteurs : un véritable hall de gare. Devant, deux institutrices, qui ne paient pas leurs billets, c’est normal, et le tourniquet de l’entrée, rempli de touristes japonaises. C’est déjà trop tard pour les pains au chocolat, mais tant pis.

photo(7)Le ciel est aussi sale que le musée est propre, majestueux, à l’image de cette exposition Gustave Doré, la première depuis trente ans consacrée à ce peintre, sculpteur, et surtout illustrateur célèbre, dont les œuvres auront abondamment nourri le cinéma (Tim Burton, le Seigneur des Anneaux, Harry Potter….)

Contemporain de Manet, cet artiste qui s’est essayé à de nombreuses disciplines avec des succès variés, va traverser le 19e siècle avec la réputation originale de «peintre prédicateur » : l’homme a en effet peint la Bible avec le pinceau de Satan. Il donne à voir le religieux sous un angle spectaculaire, inquiétant, fantasmagorique, fait d’anges ailés et emplis de noirceurs.

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Doré, c’est tout notre imaginaire, c’est celui qui transforme la réalité : La Fontaine, Dante, Charles Perrault, nous les associons tous à ses illustrations. Ce chat botté qui triomphe, chapeau à plume sur la tête, a des allures d’êtres humains qui font frémir. Mais avant cela, ce qui marque, chez lui, c’est cette capacité à dominer et à raconter le réel. Tout artiste est le produit de sa propre histoire. Et lui-même incarne cette règle avec talent. Quand il s’engage dans la garde nationale après la déroute de 1870, il peint des toiles qui illustrent son désespoir, sa souffrance : son « Enigme » grisonnante et désolante, enveloppée de fumées, rappelle le triste « Dormeur du val » de Rimbaud.

Pour se consoler de ce champ de bataille rempli de cadavres, il faut admirer les paysages explorés par Doré. L’alpiniste dévoile alors ses émotions romantiques face à la nature montagneuse. Il ne reste, face à cette vision, que nos voix intérieures.

Jérémy Collado

« Gustave Doré : l’imaginaire au pouvoir ». Jusqu’au 11 mai 2014. Musée d’Orsay, 1 Rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris