Islande 1/3. L’innocence de l’air

joli voyage

Il y a peu pour Série Limitée, des Echos, j’ai eu la chance de me rendre dans ce magnifique pays…

L’Islande appartient encore à ces terres préservées. C’est ici qu’un hôtel à ouvert ses portes avec un infini doigté, un design poussé et un bijou de nature: le Blue Lagoon…

Lorsque l’avion commencera à raser les eaux glaciales de l’Islande, vous vous demanderez que diable faites-vous dans cette carlingue au bord de l’Arctique, entre Groenland et Norvège. Les nuages s’écartent sur votre passage. Parfois au travers, vous devinez des landes pensives, errasées; des cailloux, de vagues montagnes dessinées à la hâte, fatiguées de résister. De la toundra. L’Islande en ces premiers instants, c’est une énigme. À commencer par la langue engorgée de consonnes, n’en terminant pas avec ses mots, comme s’ils collaient aux lèvres. On y baptise un volcan Eyjafjallajökull, avec les suites que l’on connut (avril 2010). On doit y éternuer en vingt cinq lettres, demander le silence en huit phrases. Il y a sans doute une raison.

Sans doute un mimétisme entre la terre et les mots, comme s’ils étaient roulés en boule, se crispaient comme un poing fermé par le froid.

Du reste, un drakkar aurait mieux fait l’affaire pour découvrir l’Islande. Embarquement Dunkerque. Prévoyez plusieurs chandails. Traverser les éléments déchainés, se ronger les sangs, se tremper les os. Attendre surgir l’Islande. Là, on aurait presque tout compris comment peut-on être islandais. Comment a-t-on pu subir le joug des Danois, des Norvégiens, le scorbut, les tremblements de terre, les volcans cacochymes, les gouverneurs odieux, l’impossibilité d’y ouvrir un parapluie. Pour enfin découvrir l’indépendance (1945). Les mots viennent donc de loin. Ils ont du se protéger, basculer d’un  songe mal réveillé. Et forment de splendides chansons (Olafur Arnalds & Einher Georg Einarson, Island songs).

L’aéroport est allusif; les bâtiments qui s’égrènent sur le chemin également. Comme provisoires, comme s’il fallait se faire la malle. La route se met à tourner. Elle part comme dans un soliloque. Elle se fout un peu de nous pour tout dire. Tout au loin, des signaux, des flammèches, des fumées.  Congrès de Mohicans, usine de vaporettes ? La réponse a plus de panache.

Ce sont les sources géothermiques du Blue Lagoon attirant plus d’ 1, 8 millions de visiteurs par an.Le site est sidérant. Imaginez nos braves montages arrondissant leur dos millénaire, attendant le prochain crachin glacé, la tourniole des vents teigneux et protéger à leurs pieds, une sorte de petit paradis miraculé. Dans des cavités creusées dans la lave, de petits fjords alvéolés effleurent à taille humaine. Elles délivrent une lagune d’un bleu miraculeux; une sorte de source d’Aqua velva, de fabrique de saintes vierges fluorescentes. Quelque chose de magnifique, surligné du blanc de silice. « L’une, dit le National Géographic Magazine, des vingt cinq merveilles du monde. »

Tout à côté. Ce n’est pas compliqué à trouver, c’est au 9, Norðurljósavegur,  jouxtant cette lagune ouverte au public, se dresse un superbe hôtel de 62 suites. Il s’appelle le Blue Lagoon Retreat et vient d’ouvrir ses portes. Dieu que ces dernières ne furent pas faciles à déplier à écouter  Hrólfur Cela, architecte (Basalt Architects), dont le blouson kaki semble extrait du nuancier du cabinet de tendances (Design Group Italia). Le chantier aurait du se faire en deux années. Il en prit cinq. « Combien de tentatives pour le sol du lobby? ». Dans son regard, on lit la détresse jouissive des compagnons de l’impossible. « Douze fois ». De partout des prouesses techniques, accompagner les humeurs d’une lave friable, piéger les vents impérieux, calmer les morsures salines. Retravailler les portes des douches, détourner les réflexions du soleil. C’est du reste dans le caractère islandais. S’adapter. Un cocktail de mariage est prévu dans un jardin au mois de juin, lorsque tombe la neige. Réponse: « Betta Reddast » ( Bah, on va trouver une solution).   

La carte magnétique de la chambre 223 déclenche le léger cliquetis métallique d’une porte aux impressionnantes feuillures. Sur près de douze centimètres, de la technicité rentrée, se mouvant dans un souffle pneumatique. Le bois de jatoba a lui fait aussi ses caprices de diva. Découpé, affiné, brossé mais pas vernissé afin de mieux sentir sa texture, ses fibres, caresses par les lumières aux obliques travaillées par Liska-Reykjavik. Car nous voici dans le domaine du tactile. Le toucher est doux, presque compréhensif. C’est tout juste si les poignées ne vous prennent pas par le poignet. Pour vous assoir dans un fauteuil. Laissez vous faire, s’il vous plait: les inclinaisons et galbes ont été travaillés par l’un des as mondiaux du genre,  B&B Italia, avec un travail en réverbération des couleurs (une palette de 70 tons),  et surtout cette classe intemporelle joliment réussie. Les tissus matchent divinement avec le sol en lave bleu sombre. Lui-même se prolonge sur un balcon minéral cadré par une baie vitrée panoramique grand écran. Là, c’est un double choc. Vous êtes dans le feutré cocoonnant, aux rideaux aux tombés généreux, travaillant les gris subtils extraits de cerveaux milanais… Alors que dehors s’esclaffent la terre et des vents sans égards; des pluies aussi brèves qu’impérieuses.  Voici un sol lunaire, chiné de mousse et de lichens aux verts infinis. Des verts bouteille, des verts Memling. Il y en a même de presque noirs. C’est la lande islandaise. On y retrouve presque le grain de la voix transposée sur cette partition. Vous pourriez rester des heures devant ce paysage magnifique que rien ne vient perturber. Ou plutôt si, dans le lointain, suivant une ligne horizontale, une camionnette orange  vient rayer le  paysage.

 

(la suite demain!)