Humeur: la douce trahison du moelleux au chocolat…

 
Faut-il le rappeler la table n'est qu'illusion. On y amène ses songes et ses souvenirs d'enfant. On voudrait que le monde soit comme dans une publicité. Nous déjeunerions une belle journée d'été sous un olivier. Les épidermes seraient à leur zénith ; chevelures, sourires et chemises. La maîtresse de maison apporterait le dessert, avec, en fond musical, la guitare sinueuse de Django Reinhardt. Un moelleux au chocolat. Murmures énamourés, extase des têtes blondes. La suite, vous la connaissez (le moelleux sort du congélo). Mais chacun refuse de l'admettre.
La table n'est que le reflet de notre société : un brin cynique et truqueuse, menteuse (si joliment). Du reste, l'art de cuisiner reste de transformer une banale escalope en sublime plat aux pleurotes. Le maquillage procède du même procédé : activer le désir.

En France, la situation est encore plus cocasse. On se croit toujours champion du monde (nous faisons juste partie du club des pays les plus privilégiés de la Terre). On croit tout savoir mais nous restons de piètres connaisseurs au restaurant (4 % selon les observateurs) ; incapables de reconnaître la bonne et mauvaise foi, la langouste du homard, le boeuf bourguignon acheté chez un grossiste rhabillé à la hâte d'une ombrelle de cerfeuil ou le vrai travaillé au sentiment depuis l'aube. La table reste un lieu de fiction où l'on souhaite quitter le réel pour gagner une planète douce mais illusoire. 

Les nouveaux labels devraient pouvoir nous guider un peu mieux, mais les voilà si nombreux, contradictoires, hâbleurs, que l'on se croirait, étourdi, dans les petites rues de la Huchette avec les bonimenteurs rabattant les chalands. Bref, nous ne sommes pas sortis de l'auberge.

  • T. Tilash
    30 avril 2013 at 9 h 33 min

    Votre article me rappelle un moment décisif dans mon éducation gustative.
    Lorsque je suis passé de penser qu’un gâteau au chocolat c’était forcément bon, on ne pouvait pas le rater, à la triste constatation que la plupart des gens font des gâteaux au chocolat trop secs, trop sucrés, trop denses, trop…

  • Baptiste
    30 avril 2013 at 16 h 04 min

    Il y a t il beaucoup d autres maisons que Bras a Laguiole qui font le « vrai » moelleux au chocolat, coulant a souhait a l interieur avec son biscuit a l exterieur ?

  • almaserena
    1 mai 2013 at 15 h 06 min

    Aaah qu’il est doux d’appartenir à la caste des 4 pourcent et de se remplir la panse chez ces étoilés qui contribuent à rendre la cuisine inabordable au vulgus pecum tout en créant de nouveaux clubs qui feront ressembler leurs devantures aux maillots du Tour de France. Finalement les guignolos pétriniens du Best Restaurant in the World n’ont pas tout à fait tort avec Septime, premier français, à 30 euros l’excellence… ça change de la Pinède et son agneau (on devrait dire client) tondu.