Humeur: articulé des énoncés

Cela pourrait être un moment fort discret, mais c'est devenu comme un rituel moyenâgeux : l'énoncé des plats au restaurant. Dans bien des adresses, l'opération est assez simple, limite cantoche de caserne : « C'est pour qui l'onglet ? la sole ? le rognon ? » Ou mieux encore : « C'est qui la tête de veau ? ! » Bah ! cela fait partie du folklore de la gastronomie, la bonhomie rustre du service français. C'est sans doute lorsqu'on passe dans les catégories supérieures que l'exercice se complique. Déjà, les intitulés sont plus longs. Il faut une mémoire d'éléphant (et ses encornets à l'eau de rose) pour redéployer les couleurs du maître de maison. Bien souvent, ce sont des pioupious tout juste sortis des jupes des lycées hôteliers. Ils sont encore sous le coup de l'examen devant un jury et, croyez-moi, lorsque l'énoncé du plat arrive, c'est de la trompette que l'on peut entendre depuis Paris jusqu'à Paimpol. Je vous garde la meilleure pour la fin.
Lors d'un déjeuner de la Saint-Valentin, dans un restaurant chicos des quais rive droite, à Paris, il y avait là une brave tablée de deux collègues solidement hétérosexuels et quelque peu embarrassés que la moindre ambiguïté puisse émaner de leur tablée de camarades. Il y avait dans ce restaurant un amuse-bouche intitulé « Bouillon de homard ». Chaque tablée se voyait ainsi claironnée de la sorte. Et ce qui arriva, hélas, à nos deux moustachus, relève de l'authentique. Le serveur s'embrouilla les pédales et déclama : « Brouillard d'homos. »
  • Sébastien
    9 novembre 2012 at 8 h 38 min

    ahaha. excellent !!