Guy Martin chez Guerlain: pschitt, pschittt !

Paris, Guerlain, escalier

C’est toujours un exercice étrange que de déplacer un chef dans un autre lieu que le sien. Souvent à ce jeu de bonneteau (où suis je vraiment ?), ces chefs ventriloques perdent une sérieuse rondelle de leurs âmes contre des espèces sonnantes et donc, trébuchantes. Guy Martin connaît cette gymnastique puisqu’il est à la fois dans les avions, dans les aéroports, dans un italien de la Rive gauche, ici et là, pour tout dire, dont surtout le Grand Véfour. On lui a de surcroît confié une mission pas évidente : donner une âme culinaire au sous-sol des établissements Guerlain, sur les Champs Elysées. Paris, Guerlain, esc nb

L’arrivée. Le soir, c’est extra car la boutique est logiquement fermée. Quelques passants s’y risquent pensant qu’il y a une nocturne. Que nenni, s’il y a quelques men in black, c’est que c’est en bas que cela se passe, façon soldes privées, vip et tutti frutti. Cela fait partie des ivresses parisiennes : le privilège, même chez l’épicier arabe d’avoir une botte de cerfeuil à l’œil. Alors que les autres : non. Traversée donc du magasin et ses parfums capiteux, on a l’impression d’être dans un poudrier : que c’est doux ! Au pied des escaliers aux zébrures élégantes et marbrées, se trouve donc la salle. Petite déception, elle ressemble plutôt à un show room, sur-éclairé et reprenant cahin-caha, les codes de la marque : dorures, abeilles, gaufrés, rubans, beiges et miroirs, il nous manque presque de la tenture, du profond, du capiteux (on aurait voulu de l’Habit Rouge, mieux encore du Mouchoir). On se croirait à l’intérieur d’une boîte de Cologne.

Paris, Guerlain poisson
L’assiette. Dans le Figaroscope, Emmanuel Rubin a déjà dit tout le bien qu’il fallait penser de cette cuisine. Et il n’a pas tort car la cuisine a su garder cette distance un peu nonchalante propre à Guy Martin. Ce dernier est du reste plus à l’aise dans ce genre de composition ; il est indéniable que sa dimension rock a beaucoup plus de pep’s que son interprétation du classique où il s’ennuie (et ennuie) à cent mètres à la ronde. Ici, c’est de la food in shop, chromatique et enjouée à l’instar de ce cabillaud à l’encre de sèche sur un petit divan de navets. Desserts bien emballés et si la Petite Robe noir est assez prévisible et sans grand fracas, en revanche une chantilly à la rose vient de façon épatante revisiter le Mont Blanc. Paris, Guerlain, dessert

Quant à la clientèle. C’est clair, si on pouvait choisir la clientèle, on le ferait bien volontiers, pas vrai ? Ce samedi soir, brave vrac non inspiré avec des tablées visiblement rabattues par les palaces du coin, quelques curieux, mais pas de nerf dans l’ensemble, ni de touche glamour. Au service, il y avait là une dame exquise, très vendeuse de parfum, tenant sa salle avec beaucoup de finesse et de doigté. À elle seule, elle donna à cette soirée la touche, le glamour et la distinction attendue.

Est ce cher ? Faut-il vous rappeler que nous sommes sur les Champs et le stationnement, fut-il gastronomique, se paie cher : 120 euros sans même bouger l’orteil.

Faut-il y aller ? Vaut le passage.

Le 68 par Guy Martin,  maison Guerlain, 68, Champs Elysés, 75008 Paris. Tel. : 0145 62 54 10.