Guérande: le bonheur contemplatif de la crêpe

Guérande, la Salorge, crepière

Le bonheur contemplatif de la crêpe

Contemplatif ? Vous êtes sûr ? Car il en faut une sacrée ténacité pour s’affronter à une galette complète jambon-œuf fromage ! Il faut surtout un vrai recul, une faim de bûcheron, pour gravir le monticule. Rien de plus compact que cette fausse dune replète. C’est un terrain miné de bonnes intentions, une petite oasis gorgée de beurre salé, un atoll scélérat. Vous êtes à la Salorge, sur la commune de Saillé,non loin de Guérande. Déjà, un soleil grec vient fumer sur les marais salants. Entre les murs épais de cette maison basse, s’affairent un trio de femmes tout en sourires, en rondeur et en complicité gourmande. Le décor est tortoré à sa façon de proposer des fleurs, du point des croix, de l’astiqué. La clientèle est comme assujettie à la réputation du lieu : une citation au guide Michelin. Et puis, et puis….
<Est il vrai que notre président est venu ici ?>. Oui, dit la patronne rosissante. Alors nous prendrons comme lui ; galette tomate et galette complète. Quelques enfants courent entre les tables, se pincent les doigts dans la porte qui mène au jardin <magnifique>, soupire un papa exténué par sa progéniture. La galette arrive bien vite avec son cœur orangée, ses plis et replus de prélats, sa fausse banalité. Logiquement, on y fonce sans réfléchir, avalant comme s’il s’agissait d’une étourderie. En fait, il n’y a pas plus violent comme assaut calorique, c’est un peu comme un foie gras avec ses surdensités. Du reste, celui ci figure au menu dans une galette spéciale, hautement colorée : foie gras maison, confiture de figues et tumulus de salade. Celle ci n’est pas traitée à la va que j’te, mais avec amour (<On aime ça ici, la salade> confesse la patronne), vinaigre maison, quelques noix et des feuilles joliment vigoureuses. On s’aperçoit alors que la galette s’inscrit non point au patrimoine immatériel de l’humanité mais dans ce paysage si touchant dans sa façon de ne pas déranger la fusion entre le ciel et la terre ; juste la ligne plate, au plus bas, de l’horizon, les marais salants, les œillets, et leurs minces talus. Paysage comme voûté, lisse comme et blanc comme une hostie. Se glissant dans la boîte aux lettres, la galette la crêpe et sa rusticité bonhomme, bonne femme. La gastronomie n’a pas forcément besoin de se prendre le chou pour exister, elle triomphe également dans ces instants plombés, costauds, locavores à souhaits. Vous verrez le Fooding ne va pas tarder à redécouvrir l’engin, et bombarder une bigouden en égérie nationale… Guérande, salorge, galette
(photos F.Simon).

Guerande, la Salorge

 

  • Georges
    12 mai 2011 at 3 h 16 min

    Merci d’écrire plus gros, il y a des vieux parmis vos lecteur…

  • Lizouille
    13 mai 2011 at 8 h 02 min

    Je dirai même plus: de ne pas rogner le texte! Difficile de deviner la fin des lignes!