Feuilleton: Roland Barthes, 2

Il  palpa sa
veste. Chercha de quoi payer le crème. Trouva de la petite monnaie. Et une
pincée de billets. Sa veste était un peu chahutée mais plus que d’habitude. Lui
qui collectionnait les trous et les tâches estima cependant qu’il serait temps
d’en changer. Il  l’entrouvrit  et remarqua une tache bizarre sur le
cœur. Une sorte de flaque. Du sang ? Non, quoique. Il se sentait lui aussi
en vrac. Comme un choc. Un roulé boulé, quelques pas sur le trottoir. Rien de
frappant cependant. Tout de même, il manquait quelques éléments. Comme s’il y
eut une production brève dans sa vie, d’un contrepoint et que celui-ci lui
échappait. Tel quel.

Non, son stylo s’était brisé et l’encre (bleue) avait gagné
l’étoffe. Bizarre tout de même.

Ces chaussures en daim étaient souillées. Il palpa une
nouvelle fois sa veste, trouva un Punch culebras un peu cabossé, parvint à
l’allumer et continua l’inventaire. Des allumettes, des clés d’appartement, un
préservatif, un ticket de bus, un carnet à spirale tout neuf. C’est tout.

Roland Barthes se releva. Une douleur à l’épaule lui rappela
que le café avait été un peu brûlant. Mais tout de même,  pas tant que cela.

Dans la rue, il se recoiffa. Il devait être 16
heures. Il resta bien dix minutes ainsi. L’air était vif. Il était là,
vaguement interdit. Un peu gauche. Il eut comme l’impression d’être un peu
nigaud d’être planté là comme un arbuste. Il fallait trouver une contenance.
Marcher par exemple. Ses pas l’orientèrent vers le boulevard saint Michel. A
droite, à gauche. Il choisit l’ascension du boulevard. Vers le
Luxembourg ? deux trois personnes le saluèrent, il ne répondit qu’à
moitié. Qui était ce donc ces visages ? La ville flottait plaisamment.
L’épaule lui faisait moins mal. Il passa devant le célèbre restaurant la
Closerie des Lilas. Au lointain, Philippe Sollers le salua mais Roland Barthes
ne répondit pas. Il filait sans savoir pourquoi vers la gare Montparnasse. Il
trouvait étrange cette sollicitude. Vint le moment, où un libraire du boulevard le
salua avec effusion.


(la suite demain)

  • Gould
    7 août 2010 at 22 h 30 min

    Le début fait peur mais c’est pas mal….