Faut-il aller au nouveau restaurant de David Toutain ?

Paris, DT, salle

Ce doit être un problème générationnel, mais j’ai un mal de chien avec l’ordre. L’école, la société, l’armée, le monde du travail…Chaque fois que l’on me demande de faire quelque chose de précis, ma brave tête perd ses repères, mon QI baisse de 20 unités : je ne sais pas reproduire. Pour les restaurants, c’est un peu pareil. À part, le cérémonial désuet et ampoulé des grandes maisons qui m’enchante, j’ai du mal à entrer dans l’obéissance : celle des horaires, de la table imposée, des amuses bouches. Lorsque ainsi on me demande si j’ai une allergie lors des menus imposés, je réponds à chaque fois : les menus dégustation. Non point que la surprise m’effraie (je passe ma vie à la désorganiser), mais l’obéissance me glace, m’infantilise. Bref, c’est un peu chafouin que j’ai franchi la porte du restaurant de David Toutain, la nouvelle adresse qui fait frémir la blogosphère…

Paris, DT, oeuf

Première impression. L’ambiance y est studieuse,  voire même contente. On est heureux d’être là parce que ce n’est non seulement un restaurant qu’il faut connaître, mais parce qu’il s’en dégage une atmosphère appliquée, gourmande. Le service est dévoué, militant. Il y a avec le chef une empathie évidente qui gagne forcément les clients. Il faudrait avoir le cœur dur et froid pour ne pas entrer dans cette ronde bienveillante.

Paris, DT, pain brioché

L’assiette. C’est souvent bon, surprenant (l’œuf avec le maïs et le cumin) : ce sont des continents novateurs (parfois déjà vus) dans leur association de textures. Même si on sent une inspiration de la terre entière (comme si David Toutain avait fait une inhalation de tous les répertoires), il en ressort des paysages de saveurs plaisants et intimistes (un peu comme les musiques de Brian Eno : discret music, music for airports). Les séquences se suivent avec une palette de camaïeux, glissant dans le suave, le suggéré, l’effleuré : saint jacques, brocolis avec sauce brune relevée au curry, crème de panais au chocolat blanc… C’est cocasse, intéressant, poétique, audacieux.

C’EST TOUT ?

La clientèle. Dévote, les doigts sur la couture, en extase programmée, dispose, assagie dans le consensus social.

Faut-il y aller ? Une fois, c’est bon. Y retourner ? Je ne sais pas car j’aime bien être avec mes amis à table, et non avec les plats du chef. C’est un peu comme un livre de Derrida, on ne peut pas le lire en écoutant de la musique.

Est ce cher ? Mieux vaut, pour une première expérience profiter du menu déjeuner à 45 euros. Après, c’est la grand messe et le musée des arts appliqués.

David Toutain, 29, rue Surcouf, 75007 Paris. Tel. : 01.45.50.11.10. Fermé samedi et dimanche.

  • T. Tilash
    20 février 2014 at 9 h 12 min

    Y retourner ?
    Pour ma part ça ne fait aucun doute, je suis très curieux de voir comment évoluera ce chef, s’il réussira à continuer son intransigeance poétique, ou s’il finira par tourner en rond dans des clichés qu’il aura lui-même créé.

    Mon p’tit doigt me dit que ça sera plutôt la première option, mais seul l’avenir nous le dira.

  • Fabrice Ivara
    20 février 2014 at 9 h 59 min

    J’ai trouvé ça surprenant mais inégal. Y aller ? oui, pour l’expérience. Y retourner ? je ne pense pas, un peu aussi à cause de cette carte des vins qui tabasse.

  • Happy Q
    20 février 2014 at 13 h 36 min

    Moi en tout cas j’y ai passé un bon moment.

    Et comme je passe ma vie à être indécise finalement qu’on m’impose me rassure. (bon, pas trop longtemps tout de même)

  • Dereux
    20 février 2014 at 17 h 13 min

    Un des chefs les plus doués et sincères à paris …..
    Je serai fidèle comme depuis le début .

  • François Audouze
    23 février 2014 at 0 h 10 min

    Nous avons la chance d’avoir une cuisine mondiale débordante d’imagination.
    Alors, il faut de tout.
    Il y a les dîners pour parler avec les amis, les dîners de cuisine roborative, et il y a les dîners qui sont comme une pièce de théâtre : on vient pour découvrir des interprétations d’un chef.
    Dans cet exercice, David Toutain est brillant sensible, mettant beaucoup d’âme dans ce qu’il fait.
    J’aime ce chef attachant et j’aime – parmi d’autres – cette forme d’expression de son talent.
    J’y retournerai encore et encore, avec des amis qui aiment être étonnés.
    J’ai été ébloui par El Celler de Can Rocca et je pense qu’après quelques essais, je serais peut-être lassé. Mais avec David, j’ai l’impression de ne pas me lasser.

  • Nuxie
    24 février 2014 at 11 h 29 min

    Bien évidemment qu’il faut y aller et y retourner…
    Personnellement je suis comme Napoléon capable d’être avec des amis, d’apprécier et d’être attentive à cette sublime et innovante cuisine.
    Pourquoi ne pas être étonnés et se délecter entre amis gourmets l’un n’empêche pas l’autre…
    Vous êtes peut être un peu blasé M. SIMON
    Bravo au chef pour son implication et pourvu que ça dure !

  • Victoire
    24 février 2014 at 11 h 50 min

    Faut-il aller tâter de ce nouveau restaurant ? Vaste question…j’y réflèchis pour le mois qui vient.

    Moi, qui suis si peu à Paris, je ne rêve toutefois que de retourner à l’Astrance, où j’ai eu le bonheur …d’avoir une place une fois pour déjeuner, une fois pour dîner ! Et je garde un souvenir ému, j’ose le dire, de cet œuf en coquille parfumé au jasmin, pur instant aérien de poésie culinaire.

    Par contre, je ne sais pas pourquoi, à chaque fois que j’appelle, ce sont ou des « Madame, nous venons de finir les réservations pour les deux mois à venir », ou bien des « Madame, la seule table pour quatre qui soit libre est le xx du mois prochain » (jour où, justement, aucun de nous quatre, ou deux n’est, lui – ou elle – libre). Enfer et damnation, ça fait deux longues années que ça dure… Pourvu que 2014 casse le dicton « Jamais deux sans trois ».

    Je veux bien que ce restaurant ne soit pas, hélas, vu les prix pratiqués, ma cantine parisienne …mais j’ose espérer que l’année en cours me donnera le bonheur d’y retourner – car cet endroit à Paris, c’est tout bonnement mon Restaurant préféré (même si M. Gagnaire est, surtout pour le déjeuner un peu longuet que l’on peut s’offrir un vendredi, comme ça, sans rendez-vous derrière, perspective qui gâcherait quelque peu le plaisir…juste à côté sur la ligne d’arrivée).

    Belle semaine à vous par ce doux soleil,

    Votre Victoire

  • Délices à Paris
    10 février 2015 at 7 h 26 min

    Un grand chef qui fait parti de la relève de la gastronomie française, j’aime beaucoup.