Et si on allait à Crissier (Suisse) voir ce qu’il s’y passe…

Crissier, deco 2

C'est sans doute l'exercice le plus difficile au monde. Succéder à Fredy Girardet et Philippe Rochat au restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier, près de Lausanne (Suisse). Sincèrement, ce doit être un cauchemar. La comparaison à tout bout de champ, des références de légende à sangloter de terreur admirative (Fredy Girardet, again). Il y a de quoi perdre toutes les dents de sa fourchette, faire fondre le plombage de ses molaires. Pourtant, Benoît Violier, 43 ans, un Charentais passé sous le knout de Joël Robuchon, tient depuis peu les rênes de cette maison, l'une des plus mythiques d'Europe. Le décor est comme à son habitude un brin compassé (il y a eu pire précédemment), teinte cappuccino et crème des alpages. On réalise alors qu'il y a là une scénographie en creux, idéale pour mettre en valeur la clientèle (haute concentration de prospérités mondiales) et surtout le plat. C'est comme si on lui creusait le silence tout autour.

Crissier, légumes
Autant dire que lorsque l'assiette arrive elle fait un joyeux tintamarre. La composition de légumes sur une crème de pois mangetout est assourdissante dans son concentré, cette façon de nous rappeler l'époque girardo-robuchonienne, techniquement poussée au-delà des limites humaines (ou si vous préférez Led Zeppelin en cuisine avec sa rythmique d'enclume). Pourtant le plat ne hurle pas, il passe juste avec une force impressionnante.

Crssier, découpe

Pour tout dire, ce qui m'a le plus bluffé dans la seconde assiette (un pintadeau rôti en deux services), ce fut le geste du directeur de salle. Cela tenait du théâtre No avec un dépouillement du geste et surtout, surtout, deux secondes en suspens lorsqu'il remontait un filet avec la lame de son couteau. Comme s'il dialoguait avec le volatile. Le geste était parfait et subjuguant de maîtrise. Après cela, la bouche est comme un bénitier. Elle est en vénération. Cela dit, j'aurais aimé que la pêche Melba du dessert soit dans la même nervure. Mais la déconstruction était barbante dans ses à-coups et séquences tronçonnés. On aurait dit que la pêche s'était faite renverser par un tramway. Elle était en vrac, arty certes mais disharmonieuse. Qu'importe au demeurant ce petit bémol, la plupart des grands restaurants de ce monde le délivrent comme un contrepoint quasiment nécessaire (il nous rassure). On en sort presque soulagé de ne pas avoir à faire la fine bouche, juste la fierté (totalement injustifiée !) d'être rentré dans la légende en posant simplement ses fesses et en ouvrant son bec devant cette cuisine. Par chance, pour ceux qui vont appeler le numéro ci-dessous, Benoît Violier rentre dans sa saison préférée : la chasse. À bon entendeur…
Crissier, pêche

Restaurant de l'Hôtel de Ville, Benoît Violier, 1, rue d'Yverdon, Crissier (Suisse). À une vingtaine de minutes de Lausanne. Tél. : + 41 21 634 05 05. Comptez 250 CHF.
  • Joe
    2 octobre 2013 at 19 h 34 min

    Benoit Violier est le meilleur au monde dans sa cuisine du gibier, fut-il à poil ou à plumes ! Un repas là-bas, ce n’est plus un repas, c’est une expérience ! Une dernière chose, goutez le lièvre à la royale : c’est à pleurer !

  • jluc
    3 octobre 2013 at 15 h 16 min

    « On aurait dit que la pêche s’était fait renverser par un tramway. »
    accord du participe passé, « s’était faite renverser… », peut être?
    en toute amitié
    jluc