Petite rubrique, dans le Figaro, il n'y a pas longtemps sur mon voisin, Emmanuel Giraud…
Ce qu’il y a de bien dans chaque discipline, ce sont ses fous. Ils sont ceux qui dérangent, agacent, détournent. Embarquent le bazar. Ils s’appuient sur un ordre bien rangé et partent en chips. En cuisine, le pré est pourtant bien gardé. Les guides, la bible, les critiques, les marchands du temple, les chefs, les sous-chefs… Un vrai défilé, avec ses porte-torches, ses thuriféraires. Les fous sont souvent boutés en dehors de la maison. Et celle-ci, croyez-moi, est solidement fermée à clé.
Ne croyez pas pour autant qu’un fou se promène avec sa cloche au cou comme une vache du Valais, ou son tonnelet de rhum. Il ne porte pas de bonnet à clochettes, de justaucorps à damier, ni de regards à la Charles Trenet. Non, il en existe de hautement paisibles. Emmanuel Giraud, par exemple, un écrivain gastronome. Je le connais bien, c’est mon voisin. Plusieurs fois, il m’a invité à goûter ses expériences (des crèmes brûlées parfumées au cigare, des pigeonneaux à la vapeur de thé…). Étant sauvage de nature, j’ai bêtement refusé. Cependant, il y a un an, je n’ai pas pu résister à son dîner invraisemblable, servi dans les jardins de la Villa Médicis, à Rome. Thème retenu : le fameux banquet de Trimalchion. En quelque sorte, de l’« archéologie culinaire », ou, si vous préférez, une représentation ironique de l’excès. Vous pigez ? Le repas commença au coucher de soleil et se termina à l’aube. J’étais épuisé, les joues rongées de l’intérieur. Plus jamais on ne m’y reprendrait.
C’est un tort. Car, dans ma boîte aux lettres (Emmanuel Giraud sait parler aux ours), il a glissé un ouvrage consacré à un souper funèbre réalisé aux Beaux-Arts de Montpellier : Devenir gris (Éditions École supérieure des Beaux-Arts, 12 €, disponible à la Librairie Gourmande, Paris IIe). Et rebelote, une quinzaine de convives, un cérémonial à la Huysmans. On a envie une nouvelle fois de se lever. On aurait tort, car, dans le livret qui en a résulté, il y a des formules épatantes, des mots ciselés que tout gastronome devrait lire. Qu’y lit-on de si subversif ? Des « réquisits » toniques : « Déconstruire au plus vite les repas », « Retirer aux chefs l’exclusivité de cet art qui mérite d’autres maîtres que des artistes à ce point dépendants de leur clientèle ». Dans cette plaquette singulière, sous diverses plumes, on s’insurge pour défendre des goûts « injustement prohibés », des « associations possibles interdites ». Diable ! Hautement recommandable. Pour ceux qui voudraient en voir plus:
Galerie Six Elzévir, 6, rue Elzévir, Paris IIIe.
Marie
5 décembre 2010 at 0 h 35 minC super 🙂
Hercule Poirot
5 décembre 2010 at 0 h 57 minComme un cheveu sur la soupe
http://anyhow-anyhow.blogspot.com/2010/09/affaire-bettencourt-tout-le-monde-se.html
Claire
7 décembre 2010 at 13 h 38 minMa curiosité est piquée ! On va aller traîner rue Elzevir.