Disparition : Jean Claude Vrinat, l’ame de Taillevent

Jeanclaudevrinat On me demande de réagir à la nouvelle du décès de Jean-Claude Vrinat, du restaurant Taillevent à Paris, survenu lundi matin, à l’âge de 71 ans, des suites d’une longue maladie.
Voila donc, ce que j’ai rédigé ce matin pour le Figaro…
Élevé par les oratoriens, ce diplômé de HEC (promotion 1959) était presqu’un mys­tère pour la profession. On ne connaissait de lui que son ­élégance de tweed, cravates Hermès (depuis peu, Louis Vuitton) et des allures de ­chanoine contrôlant, avec un flegme gourmand, l’hôtel particulier de la rue Lamennais.
Sous ce masque impa­vide, aux sourires millimétrés (mais singulièrement tendres), il y avait un océan de passion. Jean-Claude Vrinat était un des derniers restaurateurs de la gastronomie française.
Un restaurateur, faut-il le rappeler, dirige un restaurant. Il encadre un chef (Alain Solivérès) et son équipe (au Tail­levent, ce sont 47 personnes). Il ne cuisine pas, mais sait ex­actement ce qu’est une bonne cuisine.
Passionné par la modernité – la climatisation au Taillevent remonte à 1977, l’informatique à 1982 –, Jean-Claude Vrinat en refusait cependant « la familia­rité » . Il avait pris la suite de son père, André, qui avait choisi le nom de Taillevent comme le font moult restaurateurs en grattant dans l’histoire (Apicius, Beauvilliers…).
Taillevent était le pseudo­nyme qu’avait pris Guillaume Tirel, maître queux de Phi­lippe de Valois, du duc de Nor­mandie, de Charles V puis de Charles VI. Son blason représentait trois marmites bordées de six roses. Jusque-là, c’est juste pittoresque. Sauf que ledit Tirel écrivit un livre épatant que nous vous re­commandons chaudement : Le Viandier, premier livre de cuisine française.
En 1948, la première étoile arrive au restaurant de la rue Lamennais. Puis en 1956, la deuxième se pointe. C’est en décembre 1962 que Jean-Claude Vri­nat rejoint son père. Il ré­ceptionne la troisième ­étoile, surgie en 1973 pour l’ensemble d’une promotion pres­tigieuse. Il y eut alors un tir étourdissant : Peyraud (le Vi­varois, à Paris), Pic à Valence, Alain Chapel à Mionnay. Le commentaire aimable de Jean-Claude Vrinat au chef de l’époque, Claude Deligne : « On n’est pas à leur niveau, on ne les mérite pas, il y a du progrès à faire.  » C’est tout l’homme. Jean-Claude Vrinat, à sa dé­charge, était un bélier. «  Il est mi­sogyne , expliquait alors sa fille Valérie, dur mais juste
Taillevent appartient à ces derniers grands restaurants qui ne tiennent que par une structure familiale, à l’instar des maisons Troisgros à Roanne, Roellinger à Can­cale, Bernard Pa­caud à Paris (L’Am­broisie).
C’est sans doute ce qui poussait le plus Jean-Claude Vrinat à garder la marque Taillevent solide et intacte. Et à refuser les démultiplications comme ce fut le cas avec l’expérience du château Taillevent Robuchon à Tokyo (1994-2004).
Seules les caves Taillevent (rue du Faubourg-Saint-Honoré) poursuivaient le propos de la maison avec une adresse à Paris et quelques «corners» au Japon.
Le restaurant L’Angle du ­Fau­bourg reste quant à lui une ­di­versification anecdo­tique mais réussie (une étoile au Michelin).
Sa fille, Valérie, 40 ans, di­rectrice adjointe, prendra sa ­suite. Sans toutefois être à l’accueil, elle entend pour­suivre les valeurs défendues par son père : «  L’honnêteté, la passion, la rigueur, le perfectionnisme et la qualité. » Ce soir, à 18h45, la table 1 sera étrangement vide. Jean-Claude Vrinat y dînait rituellement.
Obseques, ce samedi 11 heures, église de la Madeleine, Paris

  • christophe
    9 janvier 2008 at 17 h 13 min

    j’ai eu le plaisir de converser récemment avec lui alors que je préparais un article sur les « nouveaux grands parents »… Il avait coutume d’accueillir à sa table presque chaque semaine, ses petits enfants, jamais ensemble, précisait-il, car « ils se confient moins ». j’avais découvert un homme soucieux de parler juste, pesant ses mots et ravi de transmettre quelques unes de ses recettes à cette nouvelle génération… la table Numero 1 était pour lui un lieu de rencontre, d’échange… l’une de ses grandes joies étant de voir ses petits enfants filer en cuisine pour interroger le chef sur ce qu’ils venaient de déguster.

  • Mauss
    9 janvier 2008 at 23 h 46 min

    Merci Monsieur Simon. Un texte juste, sensible et si proche de sa réalité.
    Merci du coeur.

  • Francis Muyl
    3 août 2009 at 18 h 52 min

    Bonjour,
    Il me semble que votre site a un problème. Lorsque l’on fait une rechere à partir un mot-clé sur « simon says », on obtient un message qui dit « vous n’avez pas entré d’adresse mail valide »….