Devrait on déglinguer les petites fleu-fleurs ?!

Oh, petite fleur si jolie

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Cet été, pour M, le supplément du Monde, j’ai pensé qu’on pouvait s’attarder quelque peu si le phénomène des petites fleurs qui parsèment nos assiettes…Qu’en pensez vous ? Ca se déglingue, ça ?!

C’est tombé comme ça. Ou du moins, c’est arrivé par surprise. Car les fleurs tournaient déjà autour du pot. Elles avaient repéré depuis belle lurette cette zone d’atterrissage rêvé, ce recyclage inespéré : l’assiette. D’habitude, le chef tenait à distance ce qui risquait de mettre en péril le fruit de ses entrailles : des sommeliers trop habiles, des pâtissiers trop talentueux, des serveuses trop accortes. Et les fleurs bien sur. Dans l’entrée, dehors, sur les balcons, dans les jardinières, au cimetière, d’accord, mais pas sur la table. Et puis chemin faisant, le siècle est devenu plus joli. Plus réceptif au charme. Il faut dire que pendant des générations, les assiettes n’étaient guère engageantes. Ouvrez de vieux livres de cuisine, le spectacle est assez saisissant : de grandes flanques maronnasses, des brouets sans nom, des plâtrées sans nervure, du rata aromatisé. Mais qu’est ce que c’était bon!

 C’est sans doute ce fameux voyage en Asie (réalisé dans les années 70 par les Bocuse, Troisgros, Verger…) qui mit le rouge aux lèvres. Soudain l’assiette se fit plus jolie. On aligna les haricots verts, on cessa de massacrer les légumes (en purées, émincés, bouillis, gratinés). Une nouvelle esthétique voyait le jour. Une assiette se devait d’être bonne certes , mais il fallait qu’elle soit de bon goût : cruel paradoxe des chefs qui en sont bien souvent dépourvus.

Qu’à cela ne tienne, ils ont cravaché sec, étudié le chromatismes des sauces, l’enchevêtrement gracile des herbes ; le déposé d’une côtelette. Ils étaient prêts pour le terrible fléau qui allait s’abattre sur eux. Après le Michelin, Tripadvisor, l’Urssaf,et la TVA majorée, voici qu’advenait Instagram. Pas un plat qui ne soit saisi dans sa petite tenue. S’agissait fissa d’enjoliver la mariée avec une poudre de perlin pimpin : les petites fleurs. Elles sont toutes là, enchantées de faire les marioles, faisant grincer les dents aux épices et sauces qui font tout le boulot. Mais non, fleurs de bourraches, de violette, de géraniums, de bleuets, de coriandre, marabout, bout de ficelle et selle de cheval. Voici le nouveau carnaval qui pourrait nous annoncer la suite. La terre, le terreau, le terroir ?

  • michel szer
    28 septembre 2015 at 9 h 17 min

    les légumes,oui pissenlit croutons lardons oeuf mollet mais les pissenlits sans les fleurs,rab les chrysanthèmes les oeilets et autres fleurs dans les vases et pas sur la table!merci pour ceux qui aiment le tablier de sapeur et non les plats formatés au gramme près?

  • Pascal
    3 octobre 2015 at 10 h 30 min

    Natsume Sôseki disait qu’en dehors du radis, la cuisine occidentale n’était pas esthétique. Aujourd’hui, on découvre que d’autres gastronomies sont aussi esthétiques, et on s’en inspire. Intention louable, tant qu’on garde son esprit, et qu’on ne se contente pas de copier, et tant que les petites fleurs restent un accessoire et ne remplace pas le principal. Certains cuisiniers se contentent hélas de suivre des modes, comme sur la photo (fort jolie par ailleurs) : bave d’escargot + petites fleurs.