Devrais je déglinguer les food trucks ? Bonne question…

Lumpen chic, les nourritures Uberpop

La dimension épatante de la gastronomie, c’est sa façon d’alimenter ses paradoxes. Elle se veut gastronomique, mais elle ne peut s’empêcher de remonter l’autoroute à l’envers. Prendre les produits les plus kitsch, les plus populaires (lumpen) et d’y apposer un bécot (le chic). C’est bien simple (enfin, c’est un peu compliqué), c’est une savoureuse explosion. C’est spectaculaire. Mais illisible. Des silhouettes druidiques croisent des barbares en hologrammes, des santons agenouillés saluent le passages de séraphins eye linés ; des anciens se massent pensivement le menton ; les intégristes sèment du sel. . Ca crie, ça gifle (hélas), ça pleure (le pathos de la télé réalité) et parfois ça croustille.

Dans ce tourbillon de mouvements, ce ruissellement de sens, voici des nourritures toutes simples soudainement sanctifiées au pinacle surréaliste des délices sur terre. Elles surgissent, sursautent comme le pain du toaster. Ainsi, les food trucks, ces fameux camions qui font la cuisine, bénéficient d’une aura inespérée pour des compositions qui bien souvent ne valent pas tripettes. Certes, il y a une certaine gloire à faire la queue une demi heure, éventrer son burger, le regard dans l’horizon, et la Savora sur le veston . Mais tout de même, ces nourritures ouaf ouaf, ça va un moment… Le registre est certes régressif, mais l’amplitude des saveurs est singulièrement plat : juste une ligne médiane entre deux buns, un sucré salé de faible envergure, une digestion désolante. Il faut juste lire une sorte de réaction aux cuisines poseuses, académiques qui plastronnent dans l’obéissance. Une sorte de « f…you » délibéré et jouissif. Se pâmer devant le vin au cubi, réclamer une barre de mars frit, la barquette de frites collantes, la brochette noircie est l’imparable réponse, le refus de s’incliner devant le veau d’or, l’adhésion sociale de l’entrée-plat-dessert.

IMG_1587Mais puisqu’on marche sur la tête et que le genre se veut resplendissant dans la divergence, un autre rayon vert surgit inévitablement tel des merguez magnifiques (Merguez et Pastrami, à Paris) des kebabs royaux (Grillé, rue Sainte Anne). On en perd son latin, la messe est dite. Et c’est très bien ainsi.

  • Pascal
    19 septembre 2015 at 10 h 19 min

    Pourquoi déglinguer, mais surtout, surtout, pourquoi en parler ?
    Dans tous les pays, la nourriture se fait dans la rue. En Asie, énormément, sur des étals, sur des petites charrettes, mais aussi dans des camionnettes qui se déplacent en faisant entendre une petite musique. Les nourritures sont simples, parfois savoureuses, c’est authentique et sans prétention. En Europe, on connaît le camion de curry wurst, les baraques à frites, les marchands de gauffres, etc.
    A part le nom, food truck, d’une langue parlée dans des pays de non gastronomie, rien n’est nouveau. On pense innovation, c’est en réalité juste de la prétention. C’est finalement aussi poseur que certaines cuisines haut de gamme. Le hipster fait semblant de jouer la simplicité, mais c’est juste une posture, le snobisme du moment.
    La prochaine étape ? Oh, j’imagine le concept de street store : une table sur le trottoir, sur laquelle on vend des fruits (bio bien sûr). Les gogos s’émerveilleront ce concept entièrement nouveau, alors que certains marché meurent faut de clients.