Costa Rica 2/4. À la recherche de l’énigme verte

Adresses divines

Ce voyage s’est déroulé l’année dernière, quelle chance offerte par la chaîne des Relais & châteaux pour découvrir ce pays magnifique. Et qui plus est avec un photographe de choc: Yann Stofer …

 

Voici une destination qui démarre au quart de tour. Immédiatement des plages, des forêts tropicales, l’azur de la « Suisse » d’Amérique Latine. Mais il y a aussi la forêt profonde, fascinante. C’est ici que se sont déposées deux adresses singulières alliant papaye, excellence et réconciliation avec la nature…

Ce pays est une énigme. On aurait presque envie de le cacher pour soi. De le glisser sous sa veste et de placer l’index sur les lèvres. Ne pas dire un mot, écouter plutôt le sien.

Il serait presque muet. Sentirait la chlorophylle, l’eucalyptus, le menthol. Il laisserait même la parole. Aux oiseaux surtout (915 espèces). Au bruissement des plantes (10 000). Des orchidées (1600); au vol glissé des papillons (15 000, ou 7000  selon la préfecture),  aux patrouilles d’ insectes (34 000), aux mandibulations des amphibiens (160). Ça remue de partout : poissons, mammifères, larges feuilles… Si elle n’avait pas accosté en Arménie, sur le mont Ararat, l’arche de Noé aurait choisi le Costa Rica.

Sans doute parce qu’il y a une bonté d’âme dans ce pays situé sur l’isthme reliant l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, entre Pacifique et Atlantique. Il fallait tout de même être bien téméraire et confiant en soi pour supprimer son armée (1948), se déclarer neutre et envoyer à la casse: tanks, casquettes, fusils et bombinettes. Ça doit faire un bien fou. On doit gagner en légèreté et se concentrer sur sa propre nature.

La nature précisément. C’est elle qui a pris le pouvoir. Parfois même, elle tire les ficelles, embarque les gouvernements successifs à donner la leçon à la planète entière. C’est bien simple, la nature est vécu ici comme une fierté, comme un monument national. On la protège donc. On la laisse chauffer les eaux, accélérer les turbines des barrages, maturer le compost. 100% de l’énergie est renouvelable; ni charbon, ni pétrole. La nature peut donc exhiber  vingt-six parcs nationaux, neuf réserves écologiques, trente réserves nationales de faune, douze réserves forestières….. Avec un clin d’oeil jouissif pour clôturer la danse: la fermeture des zoos et la remise en liberté de 400 animaux.

Du coup, ce n’est plus un mot que l’on attend de la nature. Mais une exclamation: « Pura Vida !». Expression qui permet de dire à la fois merci, bonsoir, vie pure, enchanté, au revoir…Expression idéale lorsque la conversation s’éboule. Tout repart alors. C’est un cri de paix, de joie, une incantation à la nature.

Rejoignons-la. Tout de suite, vous aurez compris. C’est elle qui a les cartes entre les mains. Soyons clair: vous êtes ici en minorité. Cette fourmi qui cahote au bout de vos chaussures porte vingt fois son poids. Elle part constituer un formidable compost pour nourrir une communauté entière. Lorsqu’un branchage soufflette votre visage, le corps n’entre pas en duel. Giflerions-nous  à notre tour un papyrus? La forêt est là. Debout, dans sa dualité fascination/ répulsion. Elle nous excite, nous trouble car la beauté sait être hostile. Pour une fois, notre corps  commande. La tête est à l’ouest, dans ses arabesques, jonglant avec les nuances de vert. Elle plane au coeur de ces forêts croulantes. Elle s’inonde de vert comme dans un Empire, une eau de Vétiver, un velours infini, un ruissellement d’émeraude.

Le corps  comprend  alors qu’il doit actionner. Bien tourner le pied sur les cailloux, sentir un arôme nouveau, le gober. Même les oreilles sortent de leur cage. Pour un peu, elles se développeraient, pivoteraient pour aller tout la haut vers le chant cassant du toukan. Les yeux ont perdu leur linéarité urbaine. Ils volètent. Ils plissent de plaisir. Le nez fouine. La tête est à la remise.  En compréhension. Rien de tel alors qu’une pluie torrentielle. Elle vous rend maussade aux premières grosses goutes. Puis trempé, mouillé jusqu’aux os. C’est comme un baptème, les fonts baptismaux. Une renaissance. Elle tombe drue, insolente, tambourinante, fracassante. Vous souriez les idées claires. C’est la langueur du temps étiré, la polyrythmie des pensées. C’est un enrobement. L’humidité est comme une encre. Elle imprime un lâcher-prise, un désarmement immédiat. Les pores de la peau veulent jouer aussi, s’inscrire dans cet éco système, envoyer des signes, mais saurons-nous les lire? Accepter la moiteur, l’illumination de la peau, son hydratation en continue, rejoindre un monde que nous avons quitté depuis belle lurette. C’est une étrange symphonie qui débute alors. Il était question d’énigme au tout début de ces lignes, et voici que nous approchons d’une de nos vérités. Elle murmure la sensualité, la lenteur. Comme si nous répondions enfin à cette fantastique densité.

Faut-il encore soigner ses atterrissages. Combien de paradis perdus, de papillons envolés? Rien de plus désolant que de se retrouver dans un embouteillage de touristes au bord d’un pont suspendu, les blagues des groupes, les instragrameurs d’araignées velues. Le monde peut devenir cruel. Vous qui rêviez d’être le promeneur solidaire, ce « wanderer » marchant au dessus des nuages (1818) de Caspar David Friedrich, surplombant le monde et les fourmis. Vous remontiez votre fleuve, tel le Marlow de Conrad dans le forêt. Rien de plus volatil qu’un voyage. Un éternuement et patratas , le vagabond romantique qui sommeillait en vous se réveille en sursaut, figé dans un tableau du Douanier Rousseau, entre naïf et brut. Pour un peu Babar surgirait.

 

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