Connaissez vous Table de Bruno Verjus ?!

Paris, Table, comptoir
 Signe des temps, il y a dans la gastronomie une sorte de rejet de ce qu’elle fut. Entendons-nous, non point que les restaurants vont baisser le rideau, se capitonner de velours pourpre et délivrer des plats vidéotés.
Il ne s’agit pas non plus de brouiller les pistes, jouer sur le lounge, le café, le pique-nique sur chaise haute. Non, c’est un peu plus subtil. Une sorte de remise en question, un grand coup sur la table, un mouvement tabula rasa. Le produit murmure, le chef soupire de félicité, la cuisine rayonne d’Inox civilisé. Cela se joue par exemple dans le dernier restaurant créé par Bruno Verjus, blogueur hédoniste, gastronome lettré. Il s’appelle Table. Et logiquement, les foodistas devraient se pâmer rien qu’en voyant la devanture. On les ramassera à la pelle. Large vitrine donnant sur un décor caressé aux métaux doux, courbant les arrondis comme les déliés d’une lettre anglaise. Elle dévoile, dans son rectangle à la Edward Hopper, le cercle bruissant de la nomenklatura gourmande. Vous verrez, c’est assez étonnant. Il y a là des cuisiniers. Mais très peu travaillent. Ils caressent les fourneaux avec leurs jolis torchons. Quasiment pas de flammes. Juste quelques-unes qui lèchent le derrière d’un ananas. Mais qui fait le travail ? Les produits, pardi ! Le paleron rôti est déjà prêt ; la mozzarella vient juste de s’allonger dans l’assiette avec une lichette de rhubarbe et d’anguille fumée… C’est de la cuisine elliptique, druidique, minérale. Elle respire fort. Ne prononce que des sons, un murmure glabre, un « aoum » tibétain dans le silence marmoréen de thermes antiques.

Paris, table, foie de lotte
Au diable donc le restaurant et ses tourments décibéliques, ces chefs transpirant, se tachant dans les pschiitt et les tschong ; les chaud devant et les pets de nonne. Fini les embrasés, le tintamarre des casseroles, les cris de guerre. Un ange passe, les ailes repliées, le visage lustré à la Nivea. Est-ce bon ? Bien sûr, comme ce maigre de ligne rôti aux parfums d’ail des ours (29 euros). Il a été délivré avec une admirable carotte quasiment numérotée. Elle est présentée avec les fanes. Celles-ci ont été assaisonnées. Et il serait malvenu de les laisser. L’assemblée ronronne d’application et d’adhésion sociale. La formule marche. Il y a là comme une dévotion, un cénacle acquis. Le dessert est tout simple, presque nu : l’ananas tranché avec une admirable crème glacée. Vins au cordeau et au taquet. Addition paisible au déjeuner (30-40 eur), musclée le soir, snobisme aidant (80 eur, l’arrondissement appréciera). On sort de Table, les sens un peu remués par ce repas comme à la maison. Justement, ce que l’on aime au restaurant, c’est sans doute la « part maudite » de la vie (Georges Bataille), sa dimension rabelaisienne réactivant les simples et les candides. Loin de l’excellence labellisée, du murmure pur.
12.  Table, 3, rue de Prague, Paris XIIe. Tél. : 01 43 43 12 26. Fermé samedi et dimanche. Photos FS.
 

Paris, Table, bar

  • Grand
    23 avril 2013 at 10 h 14 min

    Si je traduis, ça donne une table dans l’air du temps, prétentieuse.

  • michel szer
    23 avril 2013 at 16 h 27 min

    ça donne un restaurant duquel on sort affamé!

  • GF
    24 avril 2013 at 11 h 26 min

    In cauda venenum…

  • Emma
    24 avril 2013 at 18 h 06 min

    « Mais qui fait le travail ? Les produits, pardi !  »
    J’assume totalement ma posture old school, voire honteusement ringarde. Si c’est pour manger des produits aussi excellents soient-ils mais quasi bruts ou juste bien cuits, sans aucun apport technique ou créatif, désolée mais je ne vais pas au resto pour ça. Pas les moyens non plus, ça doit jouer aussi, mais à dépasser les 50 €, il faut que ça vaille le coup.
    J’en attend bien plus, beaucoup plus d’un cuisinier, désolée mais par exemple The Kitchen Galerie c’est autre chose, yam t’cha… ou la régalade dans un autre genre.
    Quant aux quantité, je n’aime pas platrées, bien sur, maismourrir de faim en sortant d’un resto, voilà qui est bien frustrant, et surtout qui manque cruellement de générosité. Une carotte !! Désolée mais si j’ai faim je suis de mauvais poil. Voilà encore quelque chose de bien vulgaire, je le crains, la faim, enfin vous n’y pensez pas !

  • Vanessa
    26 avril 2013 at 11 h 53 min

    Ce n’est en aucun cas prétentieux au contraire, Bruno Verjus n’a qu’un seul désir : faire plaisir au client. Et malgré mon appétit féroce, je ne suis pas sortie affamée. C’est le culte du produit par excellence.

  • Vlan
    22 mai 2013 at 18 h 35 min

    Commentaire intéressant de Matthieu Kassovitz
    http://www.lefooding.com/tribune-jus-de-cervelle/une-envie-de-mac-do-mathieu-kassovitz.html

  • Ammenius
    2 juin 2013 at 8 h 19 min

    J’ai lu la note de kassovitz contre Table, et c’est le resto qui en sort vainqueur! Kassovitz a voulu payer une tournée sans se préoccuper du prix, et il s’étrangle en découvrant la note, d’où son billet vengeur !!!!
    Très élégant….pour le reste (la cuisine) kassovitz nous la joue popu qui n’aime que le Mac do…