Closerie des Lilas: attention au départ !

Le Figaroscope vient de consacrer un dossier aux restaurants ouverts tard et tôt. Parfaite occasion pour retourner à la Closerie…

Ce qu’il y a de bien dans le restaurant, c’est bien souvent son départ. Lorsqu’il s’ébroue, se secoue, sort de la torpeur de l’après-midi. C’est un instant très poétique. Il est alors dans sa fragilité. Les serveurs vérifient leur mise dans les miroirs, le barman s’assure de la transparence de ses verres ; les directeurs s’éclaircissent la voix. Bientôt les clients vont arriver. Dans quelques heures, le restaurant sera sur son rythme de croisière. Pour le moment, il est sur le tarmac en train de recompter les voyageurs, vérifier les portes opposées, la fermeture des toboggans. L’avion fait son tour de piste, il cherche son envol.     Déjà, quelques clients  se pointent, le spectacle peut commencer. En cuisine, tout le monde doit être aux taquets, il y a comme une secousse, des vibrations…Rien de tel que ces moments magiques, surtout à la Closerie des Lilas, jolie goélette posée sur le boulevard Montparnasse, à un jeté de boulette de pain des cinémas.

Paris, Closerie, brasserie

Les premiers clients. Dîner tôt, c’est drôle. C’est comme dénicher un tiroir secret dans une commode. Il permet de dédoubler une journée, comme on le ferait d’un voyage. Partir en matinée, dédoubler le temps. Lorsque les premiers clients prendront place, vous aurez votre soirée devant vous. Et même la nuit. Ce soir à la Closerie, il y a une femme seule avec son journal. Elle a choisi des huîtres, un verre de blanc qu’elle part chercher à tâtons de sa main pendant que ses yeux plongent dans un article. À côté, un monsieur est avec une dame. Celle-ci est franchement déprimée. Son boulot la hante, elle y passe des heures très pénibles. Sa vie privée n’est pas mieux, elle sort d’une histoire foirée avec un <pervers narcissique>. Tous deux tâtonnent. Lui : <en fait, ce n’était pas le bon moment de te rencontrer>. Charmant. Elle ne bronche pas : des répliques comme celles ci, elle a dû les collectionner ce qui rend son coup de pinceau assez juste. C’est en fait lui, le plus à plaindre. Il est dans cette neurasthénie propre à ce boulevard, quelque chose de parnassien : sans doute la densité de toits en zinc, de couloirs de bus à contre-sens, de cerveaux pensant à haute densité. Petit à petit, la salle commence à se meubler. C’est moins bien, plus bruyant. La clientèle a pris la place, le restaurant rend la sienne.

Les nourritures. Jadis, cette table était réputée pour son insigne médiocrité, maintenant, c’est franchement mieux. C’est même au point. La brasserie reste l’un des meilleurs endroits de la Closerie. Certes, il y a le restaurant, mais il est trop facile dans son aisance chiffrée, ses espaces adonnés ; ici, dans la brasserie, allongée comme un wagon de train, c’est Paris ! Nourritures spontanées donc, d’instinct comme ce tartare bien burné, secoué par une salade un peu trop violente dans la vinaigrette. Les frites se la coulent douces, pas mauvaises mais un peu trop sénatorisées, trop sures d’elles. Donc manquant de croquant. Café liégeois réglementaire dans sa chantilly et son cranchy mais la glace était laborieuse et élevait le ton sans conviction.
MAIS ENCORE…
Le service. Impeccable, rien  à redire.

Est ce cher ? Vu le CV de l’endroit, le souffle historique, c’est honnête dans les 50€. Pas donné tout de même, bourgeois quoi.

Faut-il y aller ? Oui !

La Closerie des Lilas, 171, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris (01.40.51.34.50). Tous les jours. Métro Port Royal/Vavin.  Service continu de midi à 1 heure du matin. Plus d'infos MAP

 

  • Jean-Philippe
    7 avril 2011 at 10 h 29 min

    Un « tartare bien burné », c’est peut-être un peu fort, non ? 😉

  • Sid
    10 avril 2011 at 22 h 38 min

    Entièrement d’accord…jusqu’à il y a peu…où j’ai eu le plaisir, en fin de repas, de voir quelques souris gambader entre mes pieds…de quoi couper l’apétit pour le déssert