Partout, il y a des lieux qui accélèrent la vie sociale. C'est du reste ce que nous allons y chercher. A la fois, une adhésion et en même temps une exaltation. On voudrait parfois rejoindre les dieux non seulement en excellence (et en légèreté autant que possible ) mais être un peu au dessus des autres, de la troupe, du troupeau. Alors, de temps à autre, on vient frotter l'environnement comme une l'allumette sur son grattoir. Régulièrement, nous recevons des lettres à la rédaction témoignant de ces affronts, de ces exaspérations rêches rencontrées dans ces hautes institutions.
Parfois, c'est franchement fondé. D'autres, on sent qu'il y a comme un drame existentiel, une rupture de contrat avec notre bonne société. Aussi, comme vous, nous nous sommes essayé à ces immersions un tantinet risquées. Allez au hasard, Castel, l'institution noctambule de la rue Princesse, à Paris ; sorte de sas avec l'éternel, passe plat avec l'éternité, l'acceptation ou le refus implacable. En être ou ne pas en être, club, carte, sélection…Brrrrr tout cela fait froid dans le dos et l'on passerait volontiers son chemin.
Finalement, ce n'est pas si compliqué d'y entrer. Il suffit de réserver une table et de se pointer avec sa bonne mine. Pour tout dire, on y accepte tout et même n'importe quoi (jean et training Eden Park). A la porte, un géant black vérifie votre réservation et vous voici dans un saint des saints, un tantinet vintage et étiolé certes, mais bigrement parisien. Le repas fut sans surprise avec des produits prévisibles (salade de foie gras, coquille saint jacques), ses approximations un peu cafardeuses (des ris de veau indigestes, une assiette froide sous le filet). Notre tablée fut joliment joyeuse avec une bonne canonnade de belles bouteilles de vins (meursault, cote rôtie) pourtant alors que nous savourions la félicité de ces instants luxueux ; on nous demanda un peu lestement de libérer la table. Bons chiens, nous fumes évacués dans un salon. Nous pensions à tout autre chose en descendant sur les pistes de danse et cette minuscule rancoeur s'évaporait dans les moulinets cadencés lorsque rebelotte, nous fumes évacués manu militari de notre table. Morale de l'histoire ? Sans grattoir, il n'y aurait pas d’allumettes.
(sorry, photo nulle de FS)