Récemment, pour M, le supplément du Monde, je suis allé à Cancale, au Breizh Café. Voici, mon sentiment…
C‘est parfois dommage d’être privé du regard du chef. Celui-ci est en cuisine, enfermé sous les néons et la vapeur, et, sans doute, son regard s’assèche dans le huis clos du labeur. Il se vide. Alors que s’il officie en salle dans les cuisines ouvertes, la donne est tout autre.
Il y a d’abord la fierté d’être là, du geste, de la propreté de son outil ; ensuite le regard protecteur des clients, la douce pression du scrupule ; et puis pour nous, de l’autre côté de la barrière, un message toujours clair : le regard du chef. Celui de Fumio Kudaka, au Breizh Café, à Cancale, vaut à lui seul le déplacement. Car ce cuisinier originaire d’Hokkaido, au nord du Japon, est heureux ; cela se lit dans la nacre de ses yeux. Content d’être là, au premier étage
Au-dessous, c’est la crêperie ; au-dessus se sont les chambres d’hôtes et un ciel mouvant à souhait. On l’imagine, l’assiette en sort gagnante. Du comptoir où l’on peut s’attabler (la meilleure place !), on peut voir le dialogue entre les mains, les yeux et l’ovale de l’assiette arrondi comme un oisillon pour la becquée.

Fumio appartient à ces chefs japonais fous de France et de cuisine. Il délivre les produits bretons – homard, saint-pierre, coquilles Saint-Jacques, pommes de terre – avec la touche nippone : petits jardins de saveurs tournoyant méticuleusement dans les herbes, légumes en ruban, boucles et accents.

Des couverts sont proposés à la clientèle, mais il est toujours plus agréable de s’y promener sur la pointe des pieds (aux baguettes) plutôt qu’à la fourche et au sabre. Cuisine fraîche donc, locale, vive et cohérente malgré ses audaces. Thé à la demande, bien entendu, mais aussi vins, eaux rafraîchies. Par chance, la clientèle s’adapte à cet univers japonais, retire les chaussures pour s’attabler sur l’estrade, parle doucement sans embardées sonores. Beaucoup de locaux venus tenter l’exotisme étoilé (au Michelin), des connaisseurs venus savourer, et quelques égarés butant sur la vitre.
Place de choix

L’idéal est de solliciter une place au comptoir, et le plus que parfait face au chef, qui officie sur la gauche. Les deux tabourets tournant le dos à la mer ne sont pas mal non plus.
Dommage
L’été venu, Cancale devient, à l’image de Saint-Malo, un caillot de touristes. Chenilles et bouchons de piétons sur les quais, processions d’autos… Par chance, quelques vigoureuses ondées viennent régulièrement redessiner le paysage. Les amoureux de la Bretagne se retrouvent alors seuls.
A emporter
Dans la décoration japonaise, la douceur des bois et des portes coulissantes, les gorges du sol et du plafond. Autre idée : manger en buvant du thé. C’est incroyablement relaxant.
Passage à l’acte
La Table de Breizh Café, 7, quai Thomas, 1er étage, Cancale (35). Fermé mardi, mercredi. Tél. : 02-99-89-56-46. www.breizhcafe.com
marie
11 juin 2015 at 18 h 21 minun restaurateur amoureux de son métier et qui aime la Bretagne ; un vrai « poème culinaire »
Merci pour vos conseils
Au plaisir de vous lire
Stefane
1 août 2015 at 22 h 14 minJ’y suis allé il y a 4 ans, sur vos conseils de l’époque M. Simon. Une vraie tuerie, un souvenir inoubliable, et l’envie indéfectible d’y retourner un jour.
Merci encore de nous avoir aidé à dénicher cette merveille.