Bon, ça y est, < Pars ! > arrive ce matin…

Visuel - pars

S'il y a quelqu'un de joliment embarrassé ce matin, c'est bien ma pomme. Ce livre sur lequel j'ai travaillé pas mal de temps vient de sortir…je suis drôlement content, voila tout. J'y ai mis tout mon coeur. Et même une vieille photo, histoire d'incarner ce livre si personnel, de brouiller encore plus les pistes. Qui me reconnaitra?! Pas même quelques proches, le hold up continue et pour vous, quelques lignes de ce livre de voyages…

Vous verrez dans ce livre, il y a de tout (si peu de restaurants, ouf!): John Lennon, Louis Ferdinand Celine, Paul Morand, Nicolas Bouvier, Chuck Berry, David Bowie, J.M.  Le Clezio, Marlene Dietrich, Truman Capote…Le japon, Sao Paolo, Ciudad Juarez, Berlin, Istanbul…

<… 

Régulièrement, je cherche ainsi à m’embarquer dans la marge de ma vie, pensant la débusquer. Je pars, je viens, je quitte des vies bienheureuses. Même dans Paris, il m’arrive de sauter dans un hôtel en marche. De fermer les rideaux, me boucher les oreilles. Ça y est : un autre film mouline.

 Ce matin, rue Saint Benoît, devant  l’hôtel Bel-Ami, les livreurs font un raffut de tous les diables. Quelle heure est-il ? Le bracelet-montre est trop loin, incliné dans le mauvais sens. Trop tôt, pas assez tard. Je devrais m’estimer heureux. Je rêvais de la chambre 114, au premier étage. J’imagine maintenant le bordel noir du matin, les camions poubelle, les fournisseurs de congelés livrant en douce  le restaurant d’en dessous. Chacun y va de son coup de massue matinal. Quasiment de l’enclume lorsque la plate-forme des camions heurte le sol. Il y a là  comme une gaieté sadique, celle là même des livreurs stationnant au beau milieu de la chaussée avec l’évidence narquoise, la posture insolente ( <  Je travaille, moi>). .. 

Cette rue Saint Benoît s’appelait, jadis, rue des Egouts. Charmant. On aurait du garder le nom précédent dont j’ai toujours eu du mal à croire l’authenticité. Comme les cochers un peu éméchés la remontaient n’importe comment, on l’appela la rue Zig Zag. Vous ne me croyez pas, ce n’est pas grave. C’est juste dommage. 

J’avais visité la chambre 114. Palette de tons écrus et vert olive, terre ; élégance informelle, bois wengé des coulissantes, derrière le confort hertzien. Pile dans l’oblique du Flore.  Elle était occupée, toujours occupée. On m’attribua la 412 par le jeu magique des surclassements. Il y avait là un canapé, celui que j’attends dans toutes les chambres. Je m’étais offert une sieste d’hiver. Volé des instants au jour, retrouvé du calme sur mon visage. À mon réveil,   la lumière avait baissé. Paris entrait dans ses heures bleutées.  Nous avions rendez-vous à 19 heures. Un passage aux librairies (La Hune et l’Ecume des pages, ne jamais oublier l’autre). On devient un peu, avec le Flore, le Montana, le kiosque à journaux, comme une boule de billard. Le  trottoir devrait être couvert de feutrine verte. Nous nous sommes retrouvés au Bel-Ami à l’heure des vêpres. Sonnez les cloches, l’engloutissement drapé, les yeux plein d’étoiles, la bouche pleine de fleurs.  La nuit et sa respiration.

Je suis revenu à la maison par les ruelles de la pénombre. J’aurais tant voulu croiser cette femme au tiroir, être terrorisé pour mes poignets. Je me suis arrêté au restaurant Fish, rue de Seine. Découper un pigeonneau sur un cornas assis au comptoir, revenir dans une béatitude de syrah, croiser les mots mêlés des passants croisés, arriver, se débarrasser de la cage de son corps, dormir. 

 J’aurais voulu  rencontrer  Rainer Maria Rilke dans un café du coin (au Bonaparte, sur la banquette au fond à droite), lui poser des questions sur le voyage, lui demander pourquoi il n’avait de cesse de bouger, de fuir, d’aérer son malheur, de se rapprocher de son vertige. À quoi bon demander aux autres, ce que l’on pressent pour soi. La vie est beaucoup plus simple que l’on imagine.

Allez, partons !

– Taxi !

(Le taxi part, bien évidemment).

 

 SUSAN SONTAG/ ISTANBUL

 

<Wolle die Wandlung>

Désirer tout changement, Rainer Maria Rilke

 

Je lui en aurai presque voulu de ne pas répondre à ma place. Pourtant, tout est dit dans ses livres et c’est seulement maintenant que cela me remonte aux yeux. Que j’y voie plus clair. La vie comme un maillage serré de départs, l’ <enchaînement> et son double sens. J’avais écrit ce mot dans la page de garde du livre de Susan Sontag (<Renaître>), j’ai mis une heure à pouvoir le déchiffrer. D’autant qu’il était surligné. C’est mon sport favori. Brouiller un mot dans la hâte de l’écriture. C’est parfois embarrassant lorsqu’il s’agit d’un dîner noté dans un agenda. Avec qui ? Où donc ? J’attends alors qu’on m’appelle ou que les mots cessent d’être illisibles. La sympathie de l’encre.

 

  • Gould
    4 avril 2011 at 9 h 51 min

    Le texte sur Karuizama est épatant! Well done.

  • ratatouille
    4 avril 2011 at 10 h 33 min

    Well done ! Des livres à gagner ?

  • Elliouchka
    4 avril 2011 at 10 h 42 min

    Well done! M. Simon!

  • jean
    4 avril 2011 at 21 h 05 min

    Attention cher François, permier paragraphe : « j’y ai mis… ». Bises

  • @rmelle
    6 avril 2011 at 0 h 20 min

    Pars !
    Je reste !
    Je préfère voyager à travers un livre, ce livre, quelle délectation.
    Personnellement comme un paradoxe Parfums d’Iris (style Grand Reporter, Envoyé Spécial ?!), ainsi que Céline à New York ne m’ont pas perforée.
    Lyrisme, humour insoutenablement léger, une saudade simonesque, comme un pas, un rire, une danse. Encore !
    Well done Mister Simon !

  • Pierre
    6 avril 2011 at 10 h 30 min

    Eh François, vous devriez continuer à manger mais surtout arrêtez d’écrire ! Des reflexions gnangans sur la poesie des halls de gare, une jolie photo en couverture ça ne fait pas un livre et encore moins un écrivain. C’est gentil, comme la cuisine de Lignac que vous critiquez…Céline ça vous dit quelquechose ? Non pas une de vos ex mais l’écrivain, vous connaissez ? Comme vous aimez les voyages en train, lisez son Voyage à lui, vous verrez on en sort KO. Mais pas d’inquietudes, votre livre aura du succès, au moins d’estime, j’en suis sûr, car le chichi, le blabla et le gnangnan sont à la mode en ce moment. Et à quand une critique sur les meilleurs restaurants de couscous de Paris et de ses environs ?