À la barre et pour nous guider pendant une semaine : Alfredo Levi et Enzo Gramsci, deux solides gaillards, fendeurs de vagues. Ils nous mènent en un twist d'épaule devant Il Pellicano en Toscane Maritime, à quelques noeuds de l'île du Giglio et de Porto Ercole. Ce lieu fut inventé par un couple d'Américains dans les années 1960, Patricia et Michael Graham, et un consortium d'investisseurs. Ce genre de foucade que l'on décide après trois Martini allait attirer la terre entière avec, en août 1964, la toute jeune veuve Jackie Kennedy, sa soeur Lee Radziwill, son demi-frère Gore Vidal, John Junior et Caroline.
L'endroit, sauvage comme un baiser volé, disposait d'une scénographie irréprochable : une crique somptueuse en dégradé, recelant sans doute des gisements ignorés de Terracotta, de myrte et de Campari. Les Graham n'avaient guère la notion de la rentabilité. Il y avait si peu de linge qu'il fallait envoyer les résidents en pique-nique, histoire de faire les chambres à toute berzingue, laver les draps, les sécher.
Magnifiée par les revues de tourisme américaines, l'adresse allait être iconisée dans le laissez-faire des années 1980, la douce folie des années 2000 avec en marqueurs définitifs : Sophia Loren et Carlo Ponti, Monica Vitti et Bing Crosby, princes et princesses. Le génie du Pellicano, c'était (c'est toujours) cette douce idée de camp de vacances d'enfants lassés des hôtels internationaux. De garder en son luxe végétal les tribus fortunées égarées dans la démonétisation du monde. « C'est comme avoir une villa familiale en Toscane », témoigne Mathilde Meyer, responsable des relations publiques chez Dior.
Un ascenseur nous mène au restaurant. Les allées tournoient et vous déposent au bar distillant une pop années 1980. Elle s'écoute sur des vastes coussins faux Kenzo, simili Matisse, un negroni (Campari, gin et Martini Rosso, inventé à Florence, en 1919) à la main, servi dans de gros verres de piscine en plastique (so smart). Le restaurant gastronomique appartient à ces tables haut perchées. Elles parlent le gastrolangage ; sorte de babil international sorti bouche en cul-de-poule et regard Marie-Antoinette : en amüüüze buche : sandwich de fromache, financier de rucuola, bonbon de parmesan. En rire serait des plus malvenus, d'autant qu'il y a là (finalement) une émouvante évanescence de la culture.
Les plats d'aujourd'hui sont faits pour les photographies. Bientôt ils auront leurs attachées de presse. Par chance, le lieu a une telle vista que vous serez vite gagné par cet hédonisme à l'italienne. Celui-là même qui vous pousse à considérer vos voisins avec gentillesse et camaraderie. Ils ne sont plus nos ennemis comme en notre douce France, mais qui sait, nos futurs amis. Essayons : « Pouvez-vous me passer le sel, per favore ? ! » Ils hissent la soirée grâce à ce plaisir communicatif : celui de cet homme d'affaires se sacrifiant en costume banker stripes. Ou cette femme magnifique offrant sa silhouette le temps d'un lever de table. Les autres plats ont du chien mais le glamour trop étudié. Nous avions demandé des pâtes à la poutargue, histoire de vérifier le bonheur de notre déjeuner au port de Porto Ercole. Elles tournèrent en rond sans plus de conversation. Alors que notre restaurant de plage, le Terraferma, pendant populaire du Pellicano, délivrait crânement les vacances italiennes, parasol planté dans le sable, sono avec lacanzone, enfants en courses éparses. Et, dans l'assiette, les gnocchis maison à la poutargue… à tomber sur le derrière. La patronne avait presque les larmes aux yeux lorsqu'on l'a félicitée. « Pfuit, se lamentait Ilaria Saurini avec le sourire, on me réclame sans arrêt des spaghettis alle vongole et on oublie nos gnocchis ! Si jamais vous en parlez, n'oubliez pas de dire que c'est Fabrizio Oliaro qui les fait. Il sera tellement content. »
C'est un peu le message de la terre toscane sur son littoral paradisiaque. Passer du plus simple au plus sophistiqué avec cette inimitable fierté de vivre.
Gould
16 août 2013 at 14 h 31 minAncora!
John-Yvan Haddock
17 août 2013 at 23 h 01 minassassinat impeccable au pied de la falaise
on plumait des palourdes
deja crevées béantes .
qqn
30 août 2013 at 14 h 36 minBonjour,
Pouvez-vous svp supprimer tous les liens de ce site vers sixt.fr (http://francoissimon.typepad.fr/simonsays/2009/07/leden-roc.html) ?
Contactez-moi si besoin
Cordialement