Bien: Jazzy Gaya

Paris, Gaya salle
Récemment pour le Figaro Quotidien, je suis allé faire un petit tour dans le bas Saint Germain, histoire de visiter le restaurant de Pierre Gagnaire, nouvellement redécoré…
Ils ne sont pas nombreux les restaurants comme Gaya, à Paris, à dérouler un propos tout en douceur, sans appuyer sur le champignon. Sans cri primal, aube druidique. La deuxième déclinaison parisienne du restaurant de Pierre Gagnaire délivre une sorte d’interprétation jazzy de sa grande table étendard (3 étoiles). On a l’impression d’entendre un trio, le passage lent et sensuel du balai métallique sur la cymbale, l’accroche-coeur de la caisse claire. La haute symphonie peut résonner rive droite, rue Balzac. Ici, c’est club. On voudrait presque qu’il y ait un lourd rideau sur la devanture. On vous dévisagerait placidement : « Ça va, entrez… » Vous aviez réservé ? Non, ce n’est pas grave, c’est par ici. Ce serait d’autres civilités. Une sorte de clandé où l’on déposerait au vestiaire son parapluie et la mémoire de la gastronomie, ses escalades sans fin vers les sommets, ses acrobaties puériles, ses premiers de la classe quémandant l’obole de la récompense, plus de points, d’audimats, de miles… Cet empilement qui nous vaut ses plats au mérite, comme les médailles du même nom.
 
Paris Gaya poisson
Non, ici, au Gaya, on sent que la cuisine de Pierre Gagnaire s’est délestée. Elle a gagné en légèreté. Elle s’amuse, elle joue. C’est drôle au demeurant de voir toutes ces annexes de chefs. Ils s’y détendent, se dérident, oublient leurs carcans et leurs devoirs, déposent leur cartable, jouent aux billes. Les plats du Gaya ont cette insouciance contemporaine, ils se faufilent, version mer : chair de tourteau, amandes coquillages, lamelles d’avocat et mayonnaise au raifort. Ou encore : blanc de saint-pierre, piquillos et citron grillés au piment d’Espelette, purée de betterave blanche à la moutarde.

Paris, gaya, avocat
La clientèle n’est guère mélangée. Une sorte d’entre-soi,
semble-t-il, un brin guindé, solidement cossu, mais lui aussi apaisé. Deux hommes d’affaires parlent fort avec des mots martiaux, mais s’apaisent enfin, lorsqu’ils ont la bouche pleine. À la table voisine, un couple d’Américains extraits d’un palace de l’Opéra engage la conversation. Elle en est à son troisième mariage, dit-elle. D’une main surchargée de bagues se posant sur le velours de ma veste, elle semble bien partie pour un quatrième sous les yeux amourachés de son mari tout neuf. Qu’importe, Paris scintille. Il y a comme du Chet Baker dans l’air, son désenchantement magnifique, la note bleue. Celle que l’on aime cueillir dans les restaurants lorsqu’ils éteignent les phares. Pas donné : 80 euros environ.

Gaya, 44, rue du Bac, 75007 Paris. Tél. : 01 45 44 73 73. Fermé le dimanche.