Auberge du père Bise, voyage dans un autre temps…


Talloires, Père Bise
Pour tout vous dire, j'adore ces adresses que le temps surexpose. Elles nous arrivent étranges, dans le ressac des images etdes souvenirs….
Au-dessus de cette maison bénie des dieux, bordée de félicité, il semble qu'un doigt divin se soit baladé pour s'y fixer un instant. Du reste, les grands de ce monde le firent : Aga Khan, la reine d'Angleterre, le prince de Galles, Michel Sardou… Jean-Claude Brialy, lorsqu'il relâchait Le Genou de Claire (Rohmer, 1970, Talloires), venait ici même, sans doute partager le poulet à l'estragon, qui constamment fit des ravages. Lorsqu'on arrive à l'Auberge du Père Bise, on a presque peur que le livre d'or ne se déverse soudainement dans une sorte d'Hellzapoppin surréaliste : Jean-Paul Sartre croisant Brigitte Bardot, Richard Burton, Barbara. Les trois étoiles vinrent un jour se planter ici à l'époque des Fernand Point, Mère Brazier, Paul Bocuse. Elles s'en sont allées, laissant derrière, comme à chaque fois, une sorte de nostalgie amère. L'incompréhension aristocratique. Après tout, on avait appris à ces maisons à ne plus bouger, rester stoïques comme une Miss France, ne pas se dénuder, garder le saumon en gelée et la patronne à la caisse. Elle y est toujours au demeurant, vous regardant de près et sans doute jaugeant votre âme et votre fortune.

Talloires, Père Bise, fgR0015768
La table est au goût du jour, avec ce décalage propre aux provinces, comme le font les fuites d'eau dans les immeubles, distribuant leurs auréoles, d'étage en étage, lentement et durablement. On retrouve ainsi en amuse-bouche, ces fameuses pipettes de sauce (dont on doit trouver des lots en solde sur Internet) plantées dans le derrière de mini-nems grassouillets qu'il s'agit d'imprégner de sauce soja à même le bec « sans, précise-t-on doctement avec une malice sadique, se tâcher les vêtements ». La féra du lac est passée en nappes, style langue de Lucullus, avec gelée de granny smith pendant que le bar prend la pose non sans mérite avec un tartare du susdit poisson. Service comme on les aime avec les anciens se promenant les mains croisées sur le pubis pendant que les pioupious à peine dégrossis de l'école hôtelière étrennent leurs premières fautes. La clientèle est, elle aussi, admirable : notables du coin, duos improbables épatants (deux belles femmes indignes), couples sortant encore sonnés par le confort des chambres estampillées à l'inénarrable cachet pompadour Relais & Châteaux. Tarifs secouants : comptez 150 eur à la carte ; menus à partir de 78 eur. 
Auberge du Père Bise, 303, route du Port, 74290 Talloires. Tél. : 04 50 60 72 01.

  • Luc
    30 décembre 2012 at 23 h 00 min

    Miam

  • Luc
    30 décembre 2012 at 23 h 01 min

    La photo donne envie

  • pops
    2 janvier 2013 at 1 h 51 min

    Vas donc voir le blog de Honorable Gordon, depuis 30 ans dans hotellerie de luxe et qui se dechaine mechamment en tramant des fils bieleux sur la toile…A se demander si les dames Bise sont au courant…..

  • LobsterMayo
    3 janvier 2013 at 2 h 51 min

    Merci de nous communiquer l’adresse du blog
    de Honorable Gordon…je suis impatient