Au Bristol, chic, c’est plouc !

Paris, le 114, cerises
C’est toujours passionnant d’aller goûter un plat prolétaire dans un lieu du haut luxe. Car bien souvent, il y a là des petits gars que ça ne fait pas du tout rigoler, ils ne souhaitent pas jouer avec le feu. Et se moquer. C’est un peu leur part de rébellion, leur farouche provenance. Dans les palaces, à part quelques cyniques désoeuvrés, il y a même comme un point d’honneur à ne pas louper le club sandwich, l’éclair au café, le financier à l’heure du thé. C’est un peu – ce devrait être – l’aristocratie du geste gratuit, d’une distinction : ne jamais maltraiter les « simples » les modestes. Au contraire, les sublimer. C’est aussi là qu’on les attend, là où il serait si aisé de les piéger. Au Bristol, adresse des plus nanties de Paris, les prix ont toujours leur cinglante arrogance qui nous font sourire alors qu’on devrait s’esclaffer. Bah, prendre ici une salade d’avocat au prix d’un repas de mauvaise brasserie appartient à des choix intimes. Personnellement, c’est tout choisi. Au 114, les prix ont, paraît-il, baissé alors qu’ils frisaient le ridicule. Maintenant, ils restent meuh meuh.
Paris, 114, fish and Chips
 
Le fish and chips est un plat violent, d’affamés, que l’on déguste dehors sous la pluie après le match de foot, les bourrasques, le froid. C’est comme un bouclier. Un os. On l’arrache à pleines dents comme dans un hymne gorgé d’adrénaline. Il devrait être brûlant, dingue, rentre-dedans, aigu dans les aigres. On en a fait à Paris un plat agenouillé, pleutre et glissant. Ici, on a travaillé le cornet en papier journal avec le défaut du luxe lorsqu’il veut toujours mieux faire, mettre du papier glacé alors que le papier journal a une autre combustion, un avaleur de graisse, un décalqueur d’encre. Frites convenables, justes, et avec la retenue propre à ce genre d’adresse. Poisson (du cabillaud) comme une petite torpille oblongue, bien pané et présentable. Sorte de mayonnaise et vinaigre en appoint, le tout servi sur une ardoise. Il se laisse manger avec ce stoïcisme que nous aimons bien, ne se désunit pas et a la faconde offerte des plats généreux. On pique les frites de son voisin, on cadavérise l’ensemble avec l’allégresse des pilleurs de troncs.
 C’est sans doute dans le service  que l’on retrouve le palace dans toute sa dimension. Le Bristol, en ces instants, sait être grand. Il délègue même au 114 l’un des plus courtois directeurs de salle de Paris (donc du monde), Patrice Jeanne. Ce dernier tient une meute de juniors enamourés de leur métier. Pas de faux jetons ni de cyniques grattant quelques mois d’ancienneté, un ongle de CV. Non, il y a là une équipe jouant le jeu : aimables, courtois et toujours dispo. C’est un enchantement.
Paris, 114, salle
Clientèle amortie, entre elle, sans sa neurasthénie languide, écartée du monde et des péquenauds. Une réserve du CAC 40 avec son insouciance désarmante ; comme si le monde lui était résumé sur feutrine et limousine. Attachante dans son abstraction soucieuse.
LE 114 FAUBOURG, le Bristol, 112, rue du Faubourg-Saint-Honoré, VIIIe. Tél. : 01 53 43 44 44.
Photos FS.

 

  • Adrien de Food In Paris
    12 mars 2013 at 11 h 47 min

    une idée du budget à y consacrer ?
    convaincu par les mêmes choix intimes…

  • PATRICK
    12 mars 2013 at 12 h 13 min

    Les gouttes de vin sur l’étiquette…pas classe !

  • martin
    13 mars 2013 at 1 h 23 min

    l’ambroisie, gstaat et maintenant le bristol! on ne se refuse rien en ce moment…