Allez, un peu de prise de tête…La table française et son encombrant narcicisme

Au journal, on se posait la question suivante: La culture française a-t-elle encore une influence ?
 La réponse jaillit de toutes les poitrines étoilées. Cela dit, il ne faudrait pas que notre pays s'enroule dans les lauriers pour un profond sommeil.
Bocuse, entrée 2

Question patrimoine, ça klaxonne
La formidable puissance de tir de la gastronomie française, ce sont ses monuments. Une sorte de panthéon inégalé, fleurissant dans chaque ville : La Cigale à Nantes, La Mère Brazier, Bocuse à Lyon, L'Huîtrière à Lille, Les Prés d'Eugénie à Eugénie-les-Bains. Et que dire de Paris ? Même les légendes fatiguées font encore illusion (Maxim's, Procope, Allard, les brasseries parisiennes…). Les touristes tombent encore à la renverse lorsqu'ils se font maltraiter par les serveurs au-dessus d'un poulet desséché aux patates Lunor. La force inouïe de la France, c'est la confiance aveugle que l'on voue aux marchés, aux petits bistrots, à cette gouaille mordante, ses accueils acides et cette mauvaise foi rétro à croire aux rêves et à la légende. Il existe des lieux sublimes comme le Train bleu (gare de Lyon), La Tour d'Argent, Le Grand Véfour qui n'ont pas leur pareil dans le monde entier.
Question savoir-faire, ça plastronne
La grande force de la cuisine française, c'est une tradition de technique et de métier. Si la plupart des grands chefs viennent du monde entier pour « certifier » leur savoir-faire, c'est qu'il y a une tradition d'un artisanat poussé au plus haut point. Les tours de main, les découpes de viande, l'art de la pâtisserie, de la boulangerie, la préparation des gibiers consacrent encore la France parmi les nations les plus pointues en la matière. On peut certes chicaner sur le niveau réel des écoles hôtelières, pour quelques années encore la France reste la Mecque du genre. Le classement récent au patrimoine immatériel des pratiques alimentaires françaises a fait pâmer de bonheur les universitaires et la nomenklatura mais n'est sans doute pas la meilleure chose pour une gastronomie encore calamiteuse dans ses sandwichs ferroviaires et ses cafés au zinc.
Question faire savoir, ça tousse
Le grand problème de la France, c'est sa capacité à se faire connaître. Elle pense encore être la championne du monde alors que de partout fusent les bolides de la création et de la nouveauté (Norvège, Japon, Angleterre, Espagne avant les prochaines irruptions des États-Unis, Vietnam, Brésil…). Il y a en France une sorte de jolie insouciance (inconscience) à penser que la table va de soi et qu'en un claquement de doigts tout fonctionne. Hélas, on n'est pas au cinéma dans un film de Louis de Funès, les autres pays ont compris qu'il fallait sans cesse attirer les médias, activer les réseaux, drainer les touristes avec de réelles animations et, bien entendu, consacrer de lourds budgets. C'est ainsi que l'Espagne, les pays du Nord, Singapour, Hongkong, Tokyo tirent actuellement leur épingle du jeu. Nous sommes quant à nous, appuyés sur les barrières, à regarder passer le défilé.

Bocuse, vge

Question légende, ça c'est beau

La force de la gastronomie française, c'est sans doute son imaginaire : lièvre à la royale, bouchée à la reine, poularde demi-deuil, cailles en sarcophage, pets-de-nonne… Il y a de quoi frimer avec des figures légendaires : Vatel, Brillat-Savarin, Escoffier et même aujourd'hui Paul Bocuse, Joël Robuchon, Pierre Gagnaire, Michel Guérard, Alain Ducasse… On dispose d'un maillage magnifique composé d'un terroir unique, de produits magistraux, de vins de légende. Lorsqu'un môle commercial se dresse, une tour hôtelière, la présence d'un restaurant français est le garant d'une ambition. Logiquement, avec un tel bagage, on devrait dominer le monde. Et pourtant…
Question modernité, ça savonne
Le grand paradoxe de la gastronomie française, c'est sans doute son peu d'intérêt pour la novation. Pourquoi ? Parce que la tradition est superbe, pardi ! Pourquoi partir en recherches pointues, alors que le monde entier nous envie la blanquette de veau, le poulet frites et le mille-feuille à la vanille. Du coup, non sans raison, les restaurants français appuient légèrement sur le champignon, mais pas trop. Ils préfèrent garder le coude sur la portière et regarder le paysage. Cela s'appelle un style, une image de marque à la fois sépia et vintage. Tôt ou tard, il y a en France comme une certitude que le temps nous donnera raison d'avancer lentement. Et déjà, la muséification de la gastronomie commence peu à peu. Les chefs s'absentent, sont ailleurs (dans les étoiles) mais heureusement, les clients restent là !
Question langage, ça chavire
Pour quelques années encore, la langue française restera le point d'ancrage de la haute gastronomie ; comme du reste l'anglais fut celui de la modernité. Mais à force de s'enivrer de superlatifs (l'entartrage fatal), l'ethnocentrisme français qui amuse (discrètement) tous nos voisins, nous fait glisser doucement sur une aire de repos. Nous sommes tous dans l'autocar bleu blanc rouge en train de chanter notre supériorité, mais le moteur est à l'arrêt. Le Michelin essaie de tenir la maison, mais depuis belle lurette, celle-ci est déjà ailleurs avec un foisonnement exceptionnel de cultures variées et de dialectes étourdissants. Toutes les cuisines sont à la défragmentation, se subdivisent. Alors qu'en France on parle encore de restaurants italiens, à Tokyo, on raisonne en termes de cuisine milanaise, sarde, sicilienne, napolitaine. Le monde suit sa route, il n'y a plus de verticalité monarchique à la française, mais un incroyable vivier de saveurs multiples étalées sur une ligne droite : l'horizon.
  • Kelly Greeson
    28 novembre 2012 at 15 h 50 min

    Yes and no…there is a difference between real tradition such as French gastronomy or Italian leather making and those who seek to imitate and creat spectacles as thin as ice for the tourist. An extreme example of this is Las Vages. But I think there are smaller more isolated examples touching down in other countries and cities around the world (without tradition). Tradition has to be gained through a rich and deep cultural understanding. It can’t be so easily exported and still have the same richness. Where i hope the traditional plates don’t fall to a new eclecticism; I really enjoy the French savior faire to mix and respect and hold an emmaculate balance between tradition and modernity unparalleled as long I can still have opulent frites on Sunday. Is this askin too much?

  • Mathilde
    28 novembre 2012 at 21 h 06 min

    On est dans la réalité d’une France avec un très beau potentiel qui aime un peu trop se reposer sur ses lauriers ! Manque de compétitivité ou défaut de perception? Gardons l’oeil ouvert, les acteurs sont au fait de ces faiblesses, à nous de jouer carte sur table et d’arrêter de jauger notre nombril…

  • Gregory
    29 novembre 2012 at 10 h 52 min

    Je suis pas mal d’accord avec l’article en ce qui concerne la restauration mais une chose que je ne comprenais pas quand j’était gamin c’est pourquoi les amis français de mes parents lorsqu’ils venaient manger chez les miens qui sont italiens, ils se léchaient les babines…ça commençait avec 4-5 petits antipasti de différentes régions d’Italie..en voyant ce que mes collègues français mangent chez eux, ça fait un peu peur, je parle de manière générale, c’est claire qu’il y a aussi des cordons bleux, mais de manière générale il y a bcp de malbouffe à la maison. D’après-moi dans les régions italiennes, les traditions sont plus ancrées et le repas est une véritable institution

  • pops
    30 novembre 2012 at 1 h 40 min

    Ben non, le savoir faire c est NOUS , la preuve
    http://theprovencepost.blogspot.fr/2012/11/restaurant-royalty-fetes-ducasses-25th.html
    On a encore de beaux jours devant nous!!!
    Allez Cocorico!!!!