Allez, le petit croque note du samedi: la Poularde à Montrond les Bains

Poularde Samedi dans le Figaro, cette chronique a été publiée,  la voici dans son état brut…

Cette douce France qui fout le camp

Il vous est arrivé de voyager à travers la France et parfois le soir de vous arrêter dans ce qui était autrefois les relais de poste. Un peu partout, il y en a. Toujours situé au centre de la ville, en plein passage,  c’est un peu l’histoire de notre pays, un formidable patrimoine qui part gentiment en quenouilles.

Pourtant, ce sont des endroits épatants.  Des voyageurs de tout temps y sont passés : en calèche à pied, en automobile, en autocar : de vastes garages en témoignent, il faisait bon de s’y arrêter, être hôtelier alors ou aubergiste était plus qu’un métier, c’était un sens, une vocation, un aiguilleur de la terre.

Aujourd’hui, ces hôtels rament, n’ont ni le parc, ni l’héliport, ni le spa parfumé au ginseng. Mais ils sont là. Avec une clientèle qui elle aussi a du vague à l’âme : couples ennéigés, adultères laborieusement planquées et puis les représentants de commerce. Ils sont tout seul, avec leur carafon de vin rouge, une revue sur la table, leur auto au garage, leur valise dans leur chambrette.

Ce soir, nous sommes à Monrond les Bains, près de Saint Etienne. L’adresse est illustre : la Poularde. Le chef est une pointure : Gilles Eteocle. Et pourtant en ce début de service la vaste salle est tout juste au quart rempli. Décorum harcelé jusqu’au seau à glace porté par des dauphins argentés, vaisselle d’apparat, pains maison exquis, énoncé des plats articulés les mains noués dans le dos.

Ce soir, je me suis faufilé dans le forfait étape à 99 euros histoire de voir ce que l’on peut décrocher. Ce n’est pas compliqué : un bon accueil au téléphone,  le garage couvert, une belle chambre au calme avec vaste salle de bains, un petit déjeuner copieux et de qualité et le dîner. Dans ce genre de configuration, souvent les restaurateurs trainent les pieds, maugréent lorsque vous demandez ce passe-droit et balancent un aileron de poulet et une crème caramel. Là, à la Poularde, ce fut comme un privilège. Beaucoup de prévenance, un diner remarquable ; terrine de pigeonneau au foie gras, bœuf, fromages et un dessert certes compliqué (café, ananas,,,,) mais drôlement travaillé.

Le sommelier versa deux jolis verres de vin pendant que cette tablée d’éxilé en pénitence solitaire devint une félicité solaire. On se dit alors que notre bon pays dispose certes des arguments industriels bigrement sérieux mais il existe dans notre doux pays, un trésor savoureux qui est en train de se faire doucement la malle. Elle est faite de douceur, de candeur, de générosité désarmante et nous laissons filer ce trésor national ; ces adresses vivent mal,  méritent parfois d’être désertées pour leur morgue préfectorale et leur cérémonial d’archiduc, mais bien souvent, il y a là un incroyable métier, un service que l’on regrettera bientôt et surtout une cuisine de métier généreuse et d’un authentique métier. Pendant que ce métier est traversé par des météroites cyniques. L’exemple de Gordon Ramsay à Versailles filant après avoir empoché ses étoiles et ses royalties devrait nous rapprocher de ces adresses un brin ringardes, mais sensationnelles dans leur climat à la Modiano, leur dégaine à la Gabin ; Il est grand temps que vous alliez cautionner ces adresses au luxe candide, goûter ces cuisines en lettres penchées, retenir cette France qui nos file entre les doigts.

Hostellerie la Poularde, à Montrond les bains 42210.Tel : 04.77.54.40.06.  (Etablissement affilié à la chaîne  Châteaux & hôtels collection).

  • Gould
    4 mai 2009 at 10 h 16 min

    la-poularde.com

  • Babyloner
    4 mai 2009 at 10 h 42 min

    Rien à voir, mais petit clin d’œil gastronomique avec le Kastelana, restaurant où vous n’irez jamais, à Brno en République Tchèque.

  • Sunny Side
    4 mai 2009 at 11 h 39 min

    Allez vite donnez nous des adresses ! Chacun(e) de vos fidèles lecteur/lectrice pourrait écumer une région et hop !!! Vous y filez, vous dégustez et what next … une vrai série de bouquins, vidéo … commenté par vous et d’autres … bon je m’égare comme d’hab !

  • Claire
    4 mai 2009 at 13 h 22 min

    De tout coeur avec vous dans cette bataille ! Combien de maisons au charme désuet nous rendent fiers de notre gastronomie nationale … combien de maisons prétentieuses ayant les honneurs de la presse nous insultent le palais et le portefeuille.

  • riton
    4 mai 2009 at 13 h 59 min

    je dis chapeau mr simon pour ce trés joli papier et fier d’avoir en france des restaurant digne de la poularde
    merci

  • bad boy sergio
    4 mai 2009 at 14 h 01 min

    très belle chronique modianesque mon cochon ! à quand une délocalisation « bad boys » dans un de ces trésors relais-postal cachés, histoire d’animer les sous-préfectures (et de nous déparisianiser un peu) ?

  • Philippe
    4 mai 2009 at 14 h 27 min

    Et n’oublions pas ces magnifiques Z.I. donc chaque ville et presque chaque village de France se voit affublé. Ces lieux  » magnifiques  » où le sommeil bon marché et la nourriture rapide et standardisée font tout pour attirer le chaland à grand coup de promotions et d’enseignes lumineuses, au détriment de centres-ville, cachant souvent des adresses qui valent le détour. Comme celle que vous venez de nous présenter. merci d’en parler!

  • chris
    4 mai 2009 at 16 h 15 min

    Nice…nice !

  • Jean-Philippe
    5 mai 2009 at 19 h 24 min

    Un souvenir ému: en 1994, passage à la Poularde, accueil charmant, le sommelier de l’époque était absent (Eric Beaumard), mais le remplaçant, un petit jeune avec un accent transalpin, fut tout à fait à la hauteur, il s’agissait d’Enrico Bernardo..
    Merci, François, de pointer ces adresses en voie de disparition, si peu dans l’air du temps (lors de mon dernier passage en novembre dernier, Gilles Eteocle nous a confié sa détresse après la perte de son second macaron)

  • jacques perrin
    9 mai 2009 at 14 h 59 min

    François, pour une fois, nous n’avons pas vu le même film. Nous y sommes allés en mai dernier (sur la route pour Laguiole). Déception. Pas d’âme et, plus grave, une technique défaillante (ce qui est un comble pour un MOF : soufflé manqué, repris en cuisine, refait et re-raté… Gilles Eteocle était sincèrement désolé, certes, mais à ce niveau de prix… Disons que c’était un jour « sans »

  • sborgnanera
    11 mai 2009 at 10 h 04 min

    yep, assez d’accord : endroit bonboné à souhait mais qui a vu sortir baumard and co et qui garde une belle tradition vinesque
    un tres bon rapport qualité prix, surtout sur la carte des vins

  • Jean Pierre Mochu
    16 mai 2009 at 0 h 21 min

    Super article pour une délicieuse adresse qui mérite en effet de s’y attarder.
    Ici il y une âme et une gentillesse dont beaucoup pourraient s’inspirer.
    Merci de préserver notre douce FRANCE.

  • Docteur Bernard LEGER
    27 juin 2010 at 12 h 52 min

    Confortablement attablé la lecture de la carte commence dans une atmosphère chaleureuse et feutrée.
    La valse des plats me charme d’une mélodie où le respect des traditions se marie à l’ouverture inventive des saveurs nouvelles.
    La carte des vins est magnifique. Le sommelier veille à proposer le nectar mettant en valeur les mets sans toutefois en atténuer les arômes.
    Le service est efficace, discret et attentif.
    Toujours heureux d’arriver, toujours triste de quitter cette hostellerie où le plaisir du bien manger fait honneur à la cuisine française qui a su reconnaître un des siens en la personne de Monsieur Eteocle Meilleur Ouvrier de France.
    Afin de respecter la sensibilité des lecteurs du petit livre rouge il serait souhaitable de connaître les raisons pour lesquelles ce restaurant a été rétrogradé.
    La suppression d’une étoile équivaut à une véritable exécution publique.
    Pardonnez mes propos bien amers qui m’amènent à penser que certains censeurs ne jouissent plus de leur raison entière.
    En tout état sachez que je ne partage en rien cette décision. La Poularde mérite d’être à nouveau reconnue au sein de l’élite de la cuisine française.

  • Le Chaffat
    14 août 2015 at 15 h 55 min

    Mon premier orgasme culinaire, lors d un déjeuner familial, en 1996. J’avais 14 ans, et j avais la tête dans les étoiles. La cuisine de Gilles Étéocle a contribué a m apprendre le gout des bons produits et a apprécier la grande cuisine. En vacances dans le Forez, je viens de découvrir que les repreneurs de l établissement viennent de mettre la clé sous la porte, et ne seront restés que 3 ans…