Petite balade dans le sud avec une double adresse suggérée par Emmanuel Giraud que je remercie…
C’est toujours captivant d’observer les luttes clandestines que se livrent entre elles, les forces vives d’un restaurant. Voici une toute nouvelle adresse, près d’Uzès (l’Artémise ; Chemin de la Lauze, 30700 Uzès ; 04.66.63.94.14). Le lieu est magnifique avec cette vieille demeure en pierres blanches, un vaste jardin inspiré, des musiques jazzy et l’accueil d’une courtoisie apaisée. On a, semble- t il, voulu calmer le temps, le tempérer, trouver une rythmique autre : dissoudre les impatients, dompter les bouillonnants, repasser le lin froissé. Qui l’emportera : la cuisine, le décor, l’ambiance, l’accueil du propriétaire Pierre Beghin. Ou alors les ardeurs du tout nouveau cuisinier ?
Visiblement, on l’attendait depuis longtemps. Et voici, Guillaume Foucault, venu tout droit d’une adresse prestigieuse, l’Astrance, à Paris, trois étoiles limpides d’une cuisine à la ligne claire. D’abord, il faut attendre. C’est une donnée qui m’a toujours désarmé dans un restaurant. Pour tout avouer, c’est assez platonique : j’ai faim lorsque je m’attable. Ce doit être un peu simplet, voire ancestral, mais c’est ainsi. L’attente fait sans doute partie du plaisir, la fameuse théorie de l’escalier, mais je ne crois guère aux préliminaires de la table. Mignarder, lambiner alors que gronde l’appétit, cela appartient à une galaxie lointaine ; Tantale et ses ralentisseurs, ceux qui esquintent les amortisseurs et font prospérer les vendeurs d’accessoires automobiles. Enfin, la salade de choux vietnamienne apparut avec sa poitrine de porc, menthe, coriandre et cacahouètes. Un peu sèche mais bien. Puis et ce dans le menu unique du soir (50 € au déjeuner, c’est 25€), apparut un pigeon divinement bien cuit accompagné d’une aubergine caramélisée bigrement moelleuse.
C’était impeccable. Le lieu semblait alors travailler à l’unisson : le service, la compagnie, les éclairages, les plats pour terminer sur une tarte au chocolat fort convenable avec une glace au spéculos. On se dit alors en fin de soirée qu’un dîner est comme une esquisse au fusain ; lorsque le poignet part, les doigts se contractent, on ne sait pas du tout où l’on va. Et puis, tout s’enchaîne, le dessin apparaît ; l’air trouve sa mobilité et un rayon vert apparaît, celui du plaisir. On peut prolonger celui-ci avec des chambres d’hôtes épatantes, celles du Clos du Léthé à quelques kilomètres de là. Même propriétaire que l’on retrouve le matin cuisinant un irrésistible pain perdu aux fraises et figues.
Cadre superbe, atmosphère civilisée, piscine et ses pontons de teck, petit déjeuner d’anthologie, le meilleur de l’année (Cinq chambres à partir de 200€ ;Hameau de Saint Médier ; 06.07.09.01.21.www.closdulethe.com)
Gusto
17 septembre 2010 at 22 h 22 minCe texte est magnifique, merci pour ces mots Monsieur Simon.
Ca donne envie d’aller toucher(des yeux et des lèvres)ce rayon vert…..