A Pau, les caves se rebiffent…

C’est à se demander s’il n’y a rien de telle que l’ingratitude. Si l’injustice ne renforce pas l’innocence. Non point qu’il faille noyer les nouvelles générations de sommeliers ou offrir des moufles électriques aux apprentis chefs, mais, depuis une ou deux saisons, se multiplient les caves à manger. On y vend du vin donc, mais entre deux caisses et trois tire bouchons, on tire une table ou deux. Au début, en cuisine, on bricolait avec un réchauffe plat, une assiette de charcuteries,  comme avant,  au Verre Volé à Paris. Depuis lors, on pousse les murs, rapatrie un vrai chef, et tape l’incruste sur la scène gastronomique. Il ne s’agit pas d’un aimable phénomène parisien grimaçant sous les coups de ceinture du Fooding. Non, c’est à Pau que cela se passe avec les Papilles Insolites crées par Jean Pascal Révol, un grand garçon courtois et spirituel passé dans les grandes maisons (Senderens à paris, Michel Guérard à Eugénie les Bains. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il a vite pigé que bien souvent on attendait d’une adresse un langage simple, comme épuré, débarrassé. On souhaite aller droit au but, au ventre, à la soif, comme l’on écarterait les branchages d’un bosquet.

Dans cette salle de bistrot, vaste mais peu surchargée (à peine une dizaine de tables), Jean-Pascal et son équipe surinent à tour de poignet les meilleures <quilles> des vins bios. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le rayon, c’est assez dingo avec des flacons rentre dedans comme Puzelat (le Tue Bœuf), Simonutti (le Pré Noir) en val de Loire ; Nicq (Foulards rouges), Laffite (le Bout du monde) en Roussillon, etc… L’assiette a elle aussi cette même nature vagabonde et généreuse. Au menu du jour à 15€, un consommé de légumes avec coquillages, suivi d’un boudin noir aux pommes. La Carte joue finement avec des compositions de galette de pied de cochon-coques et cresson fumé ; veau de lait <Nori> aux légumes croquants au wasabi, pigeon de Chalosse-grenailles et échalotes confites. Dans un univers de brocante paisible, les tables sont dans leur jus et leur guingois avec une clientèle qui prend d’assaut (réserver est impératif), l’un des meilleurs rapports qualité/prix de la ville. Ce que vous aimerez sans doute, c’est cette fluidité gourmande, cette ambiance bon enfant. C’est un peu une chanson des rues, l’air du temps. Un peu comme ces têtes de nageurs qui sortent de l’eau, l’air émerveillé, les yeux écarquillés. Des bienfaits de l’ingratitude…

 

Les Papilles Insolites, 5, rue Alexander Taylor, Pau 64000. Tel. : 05 59 71 43 79. Lespapillesinsolites.blogspot.com. Du mercredi au samedi. De 15 à 45 euros.