Comment ne pas se faire prendre pour une TRUFFE

La magie de ce diamant noir reste constante. Mieux encore, il fait fantasmer la déferlante des nouveaux aficionados de la cuisine. Ils veulent en mettre partout, non sans raison. Mais avant de partir à la chasse, il s’agit de prendre quelques précautions…

Comment s’annonce le tir ?

Vraiment pas fameux ! La météo, facteur essentiel, fut excellente en août avec une grosse pousse de truffe. Mais la suite ne fut pas glorieuse : mistral, chaud et sec avec à la clé une production détruite à 80%. La douceur qui s’en suivit n’a pas arrangé les choses en faisant pourrir une grosse partie de ce qu’il restait. Il faudra attendre un bon mois et là, elle devrait être bonne. En ce moment donc, elle est rare, chère, s’avère <gris sombre avec un peu d’arômes mais pas grand goût en bouche>, selon Guy Jullien, grand spécialiste du genre, au restaurant la Beaugravière, à Mondragon (Tel. : 04 90 40 82 54).

Eviter d’aller n’importe où !

Bien évidemment, on peut aller sur les marchés, mais attention, y opèrent bien souvent de courtiers travaillant dans l’entre soi soupçonneux. Il convient alors d’avoir l’oeil, le métier et la connaissance de tous les traquenards propres au genre (truffe alourdie de terre glaise, origines douteuses…). Mieux vaut avoir ses habitudes chez vos commerçants (volaillers, primeurs, traiteurs…). Au moins vous saurez qui prendre par le col, si la truffe teufteufe ! Pour les orthodoxes en quête de label doré sur tranche (style la Maison de la Truffe, place de la Madeleine, à Paris), l’opération sera forcément dispendieuse voire décoiffante : 2400€ le kilo avant hier ( mais, pour les endurcis, il y a mieux, ici même : 8990€ la truffe blanche d’Alba). Hugo Desnoyer, rue Boulard, à Paris, avoisinait les 1600€ au kilo. Mais attention, tous les prix vont partout décoller la semaine prochaine, comme pour le homard et la fourrure !. On devrait tranquillement approcher les 2500€ le kilo.

Marchés de Carpentras (Vaucluse) :(chaque vendredi matin, place Aristide Briand) ; Richerenches (Vaucluse), le samedi matin (avenue de la Rabasse) ; Valréas (Vaucluse), le mercredi matin ; Lalbenque (Lot) tous les mardis à partir de 14h ; Limogne en Quercy (Lot) : le vendredi matin. Saint Paul Trois Châteaux (Drôme) : le mardi matin ; Aups (Var) le jeudi matin.

Alors que faire ?

Congeler ? Pas question ! Guy Jullien, notre restaurateur spécialiste, est catégorique : <Si l’on doit congeler la truffe, il faut le faire avec un produit à son summum. Et ce, c’est en février mars. Si vous le congelez maintenant, vous aurez dans une semaine une sorte de navet!>. N’oubliez pas qu’une truffe ne dure que quelques jours. Notre conseil : en acheter la veille du réveillon en surveillant bien le grammage. N’oubliez pas que la truffe mélanosporum est un grand moment gastronomique. Il ne s’agit pas d’un produit banal. A des clients prospères lui reprochant la chèreté du produit, Guy Jullien n’a qu’un seul conseil : <Prenez alors le menu aux olives>.

Conseils d’amis

Lorsqu’on demande à Thibault Leclerc (www.terroirsdechefs.com), grand amateur et même producteur dans …l’Est, l’attitude idoine en ces temps maigrelets, il répond ceci : < S’offrir un petit excès pour les fêtes (une seule truffe de 75 grammes) et ensuite se venger lorsqu’elle arrive en pleine forme et à moitié prix, et ce, dès la mi janvier. Ne surtout pas oublier que la truffe est un condiment : il ne faut pas la chauffer sinon elle perd de sa race>. Sa recette idéale : à la croque au sel. Pain baguette grillé avec huile d’olive, lamelles de truffe et fleur de sel : une tuerie ! N’oubliez pas non plus les brisures de truffe, vendues trois fois moins chères.

Se renseigner sur la provenance

Tout le monde est hanté par le fantasme de la truffe de Chine. Elle existe partout et se propose jusqu’à 40€ au prix de gros. Seul souci, la plupart d’entre elles sont surgonflées à l’huile de truffe et font parfaitement illusion. Avec le réchauffement du climat, la donne évolue puisque la truffe est par essence migrante. On la retrouve non seulement en Charentes (très beaux spécimens sur le marché de Jarnac, le week end dernier) mais également au Maroc, en Espagne (dans cinq ans, c’est ici que cela se jouera) du coté de Valence, selon Alain Godard, spécialiste à Souillac. Autre producteur en forme, l’Italie (Ascoli propose les plus belles, mais également Spolente). En tout cas, sachez que l’idéal, c’est de pouvoir prendre la truffe dans sa main (elle doit présenter une belle densité), la soupeser, la humer (elle doit dégager à reculer les épaules) et vérifier qu’elle ne présente pas de trous (véreuses, hélas !).

Commander le bon grammage

Sachez que si les chiffres sont effrayants au kilo, personne n’est là avec un sabre pour vous obliger à l’acheter de la sorte. Une belle truffe fait de 75 à 100 grammes. C’est parfait pour les fêtes. Pour une salade (mâche) comptez 30 grammes par personne, une assiettes de légumes (tiédis, c’est exquis) jouez dans les 25 grammes (même de la brisure) ; pour l’omelette 20 grammes. Mais surtout ne soyez pas trop pingre (faites alors l’oeuf à la coque). Vu la qualité moyenne de la truffe, ce qui importe, c’est un peu de générosité. Il faut qu’elle puisse se développer, envahir et croquer. Pour une volaille, estimez à 20 grammes par personne.

Cuisiner sans se planter.

La volaille demi deuil reste bien entendu le grand plat de circonstances (les lamelles de truffe sont alors glissées sous la peau). On prévoira à cet effet une cuisson très lente (style 4 heures à 80°C) avec un finish terrible (275°c) pour caraméliser la peau avant de la laisser reposer quelques dix minutes le temps que le volatile retrouve ses esprits. Faut il cuire la truffe dedans ? Sacré dilemme pour le quel nous irions vers cette solution : farce truffée aux brisures, lamelles sous la peau le temps de la préparation. Vous en laissez deux ou trois pour la décoration, mais sachez qu’elles sont sacrifiées, la cuisson leur aura retiré tout croquant. En revanche, gardez en sous la main. Vous viendrez en découper religieusement à table sur chaque assiette juste avant la dégustation. Grand moment avec beau geste pour la communion finale.

Quels vins ? Là dessus, chacun a sa religion. Des super pros comme notre ami Enrico Bernardo suggère des vins blancs glorieux comme un hermitage de chez Jean Louis Chave, ou encore un Volnay de chez Hubert de Montille, voire un Puligny -montrachet du domaine Leflaive. Mais, entre nous, si vous adorez les côtes rôties, les vin du Languedoc, les vins italiens, allez y. En la matière, votre propre goût est sans doute le meilleur chemin, même si on peut emprunter celui des autres. <Que boire avec>, Enrico Bernardo. Edition du Figaro.

 

  • BenCo
    15 décembre 2011 at 13 h 03 min

    Haaa, la Truffe … dommage de ne pas aborder la Dordogne, même si le Vaucluse reste le producteur n°1 de Melanosporum, le terroir emblématique demeure tout de même le Périgord … Je dirais que pour ne pas se faire « avoir », il faut aller sur les marchés dits officiels: par chez nous, Périgueux, Sarlat, Sorges, St Astier, et quelques autres … là, le tubercule est inspecté par des personnes mandatées par la Chambre d’Agriculture et le Syndicat des Trufficulteurs: 1ère Catégorie (aujourd’hui à 900€ le Kilo) et 2ème Catégorie (à 800€ le Kilo) … après, le trufficulteur peut discuter de la classification, mais si le moindre doute entre une Melano et une Brumale, la truffe est écartée carrément.
    L’arnaque se situe généralement entre celles-ci (la brumale reste très bonne) et la Truffe de Bourgogne (ce que donne ma truffière) où le néophyte est quasi certain de se faire avoir (d’ailleurs, des étoilés proposent des plats truffés en plein été, donc pas de mélano, à des prix exorbitants: il y a aussi arnaque si l’on veut).
    Les mêmes arnaques existent avec les plans mycorisés: autant passer par la Chambre d’Agriculture aussi dans ce cas.
    Ce matin, une Dame est arrivée tout de même avec 3kg de Melano avec les 2/3 de 1ère Catégorie, ce fut la seule, pour le reste la récolte est très faible … et la lune (descendante ne leur sera pas favorable)
    Bonne Continuation ;o)

  • Claire
    16 décembre 2011 at 14 h 19 min

    Les nôtres viennent de Touraine et sont excellentes (même si c’est vrai, moins parfumées que l’année dernière …) Comme disait Colette (je crois) : « S’il n’y pas trop de truffes, il n’y a pas assez de truffes ».