Le Michelin passe à la caisse…

Le célèbre livre rouge change d'époque en ouvrant son site aux avis des internautes mais également aux restaurateurs moyennant rétribution…

Il est vrai que les responsables du guide Michelin devaient être lassés de voir le siècle lui passer devant sans clignotant, klaxonner à tour de bras et se faire moquer pour ses piètres audaces de marketing, notamment dans ses nominations aux trois étoiles. À force d’être politique, raisonnable et prude, le célèbre guide aura loupé le coche avec une louable constance, témoin sa façon de passer à côté des stars de la bistronomie. Celles-ci rayonnent maintenant à la télévision (Yves Camdeborde) ; Cyril Lignac (qui rêve toujours de sa première étoile) devient plus célèbre que les grands maîtres de la cuisine française, à l’instar de Michel Guérard.

Bocuse, feuilleté 3
Le monde a changé. Le guide Michelin s’apprête à le faire. Lors d’un récent déjeuner réalisé chez Alain Ducasse au Plaza Athénée, les responsables du guide avec Jean-Dominique Senard, gérant associé commandité du groupe Michelin, ont sondé le gratin du monde des restaurants (Joël Robuchon, Alain Ducasse, Dominique Loiseau, Anne-Sophie Pic…) sur les futurs changements du guide. Entre saint-jacques aux truffes et carré d’agneau du Cantal, il a bien fallu reconnaître que celui-ci était en perte de vitesse (- 22 % en 2011) en matière de vente. C’est pourquoi le groupe mise, comme ses concurrents, sur Internet, histoire de coller un peu plus à un lectorat qui s’effiloche au fil des ans. Le guide sera donc en ligne sur le Web et, nouveauté, les internautes pourront raconter leurs aventures et mésaventures avec, sur la chaise d’arbitre, un modérateur. 

Mieux encore (pis, sanglotent les puristes), à l’instar du guide GaultMillau et son partenaire LaFourchette.com, les restaurateurs non retenus par les inspecteurs auront toutefois l’opportunité de figurer sur le même site avec photos, cartes et promotions. Ces emplacements seront en principe gratuits, mais… il faudra payer les services du Michelin pour les photos, insertions et cartographies (il est question d’un forfait de 69 euros mensuels. 

Le petit monde de la cuisine, qui, faut-il le rappeler, aime s’effrayer d’un rien, tombe une nouvelle fois dans les pommes face à cette brave révolution. Le guide Michelin essaie juste de se raccrocher aux branches et d’approcher un public qui depuis belle lurette est passé ailleurs. Si certains pays, comme les États-Unis, bénéficient d’un enrichissement via des internautes plutôt « civiques », force est de constater que le tissu français présente un maillage assez croquignolet. Il n’est pas rare de voir tout et n’importe quoi sur la Toile : de faux témoignages, des dénonciations scabreuses, des louanges tissées en Corée du Nord… 

Le guide le sait et tentera de mettre sur pied un système permettant de rendre les témoignages crédibles. Dominique Loiseau (vice-présidente des Relais & Châteaux) évoquait pour sa part un point important : pouvoir prouver que l’on est réellement allé dans le restaurant référencé.

On le voit, le Michelin s’apprête à franchir un grand pas, ouvrir portes et fenêtres, lui qui, il y a dix ans encore, ne disait rien, ne commentait jamais, lâchant impérialement ses étoiles du haut de sa superbe. Le monde a changé, il est même devenu non seulement très difficile à lire, mais surtout quasiment inclassable.

photos FS
Copenhague, Geranium amuse bouche

 

 

  • pradoc
    2 février 2012 at 0 h 49 min

    Pourriez-vous dans vos promenades vous arrêter quelques minutes pour conseiller les marchés où trouver les bons produits ? Les petites affaires et les meilleurs lieux et nous donner quelques conseils sur comment faire ses courses et profiter de son budget pour s’amuser la panse..
    PS : Mon Beaufort est magnifique !

  • S Lloyd
    2 février 2012 at 5 h 02 min

    Oui, aucun guide de restaurant n’est parfait. Soit, mais il n’empeche que la marge de précision/fiabilité a toujours été plus haute dans les normes Michelin, si je la compare à la fiabilité de ses compétiteurs. Bref, faut suivre les modes, et évoluer. Pas le choix: c’est aussi bon pour Michelin que pour les autres.

  • Claire
    2 février 2012 at 13 h 37 min

    Enfin un article sensé sur le sujet, merci de continuer à donner votre sentiment sans jamais être péremptoire – c’est ce que j’apprécie le plus ici.

  • LYONNAIsGASTRO
    2 février 2012 at 21 h 15 min

    Et pendant ce temps là le Progrès de Lyon nous apprend la fermeture de la maison Chapel…