Connaissez-vous la place du Tertre ? Vous devriez. C'est une sorte de petite planète sidérante.


Vous remontez les ruelles de Montmartre lorsque, soudainement, vous quittez Paris, vous tombez sur un terminal d'autobus, un mini-Mont-Saint-Michel, un petit musée des horreurs hautement burlesque. On y photographie tout, la pointe de ses souliers, la plaque de la place, le bout de son nez. On vous hèle en anglais pour un menu promotionnel. Il y a là une joie désarmante de carton-pâte, de poulbot pisseur, de béret basque, comme si Paris avait avalé une boîte de gouaches, huit kirs royaux et sept baguettes. C'est ahurissant, poilant. On a envie de faire pareil. De marcher sur les mains et de ramasser quarante centimes. Mais bon, nous avons mieux: dîner chez la Mère Catherine, table emblématique de la place, fondée en 1793.
La salle. Vous voici dans une taverne parigote avec plancher craquant, nappes à carreaux, lumières abat-jourées. Le piano dévale quelques rengaines de la Butte, c'est extra! Une sorte de bastringue cahotant avec gouaille, mélancolie. Pour un peu, une larme se serait échappée tant il y a ici comme un truc. Mais cela ne dure que quelques infimes secondes. Soudain, un anniversaire éclate et voilà notre pianiste obligé de suivre l'hymne du moment: We Are the Champions, repris par la foule en vagues ondulantes. Oh, purée de mince! Ça fait bizarre, le monde devient fou, des cohortes font presque la chenille vers les toilettes. La scène devient célinienne. On a envie d'aboyer, de devenir marteau, de gifler une fausse plante verte.
Les plats. On sentait le coup, mais pas à ce point-là, ça fait un choc à la France…. Le poulet frites arrive dans un désastre de sécheresse totale, une sorte de Sahel marronnasse et racorni. J'avais faim, mais je n'ai même pas mangé les frites tant elles étaient à la ramasse, courbées dans la misère graisseuse, le lumbago de la friteuse. Salade minable, arrivant en solo mais facturée pour deux. Heureusement, on nous annonçait un fraisier maison. De laquelle? On ne saura jamais, mais celui-ci, jamais de ma vie, je n'avais vu un tel bourbier caoutchouteux, style flan oublié sur une aire d'autoroute. Fraises fliquant autour comme si elle ne voulait pas que le tourment ne sorte de l'assiette, l'aliéné de sa cage. Oh, bon sang, si l'Unesco venait à patrouiller dans le coin, on se ferait sortir de l'immatérialité à grands coups de pied dans le derrière!

Mais encore
Le service. Ouf, seule bouée humaine, adorable et serviable. Même le directeur de salle est prévenant, expliquant que le maison ne matraquait pas dans les coefficients de vin. Résultat, une côte-rôtie de Guigal à 74 euros, un petit miracle!
Faut-il y aller? Oh là là, mes pauvres petits chats, non!
Est-ce cher? Regardez la note et frottez-vous les yeux!
La Mère Catherine, 6, place du Tertre, XVIIIe. Tél.: 01 46 06 32 69.
Gould
26 juin 2012 at 9 h 28 minA lire à voix haute, hilarant! Votre meilleur papier depuis longtemps.
T. Tilash
26 juin 2012 at 11 h 23 minQu’on lui amène de la viande sèche, des légumes trop cuits et une soupe de chaussettes !
La médiocrité vous inspire drôlement, cet article est magnifique.
barbara
26 juin 2012 at 12 h 01 minincroyable, je n’en reviens pas, on pourrait croire pourtant que la qualité serait au rendez-vous, pire que décevant, je ne sais pas du tout comment je réagirais si ça devait m’arriver, je pense que je grognerais méchamment à voix haute !!
Jeux de cuisine
26 juin 2012 at 12 h 59 minJ’ai bien ri en lisant cet article, en effet la médiocrité vous inspire merveilleusement 🙂
Claire
26 juin 2012 at 15 h 48 minJe mène une guerre acharnée et personnelle contre ce genre d’endroits qui, profitant d’un emplacement exceptionnel et de la gentille naïveté qui s’empare des gens lorsqu’ils sont touristes, servent de la daube. Et je pèse mes mots. Lorsque c’est à Paris, je me sens à chaque fois personnellement insultée – mais j’ai croisé les mêmes endroits à Avignon, Barcelone, Lyon et trop d’endroits dans le monde. Merci donc pour ce témoignage !
pops
27 juin 2012 at 4 h 14 minTOURISTS TRAP
Nina
27 juin 2012 at 8 h 27 minJe suis sidérée de lire des commentaires élogieux concernant la critique de monsieur François Simon. Il est vrai qu’il est beaucoup plus facile de plaire en ayant la plume trempée dans de l’acide sulfurique que dans de la fleur d’oranger. Quand à trouver l’article hilarant, voir le meilleur papier depuis longtemps, je le trouve plutôt consternant. Bien entendu l’établissement n’est pas à recommander quand à le descendre de cette manière, c’est sans esprit, sans humour et surtout méchant. Pourquoi en parler, si l’adresse est mauvaise mieux vaut la passer sous silence, à l’instar de Monsieur Petitrenaud qui ne parle de ce qu’il aime et toujours avec gentillesse.
Mariane
27 juin 2012 at 10 h 05 minTout à fait d’accord avec Nina faire rire aux dépens des autres est facile, avec de l’humour c’est beaucoup plus difficile, visiblement monsieur Simon a besoin d’en faire le plein
Jean-Louis
27 juin 2012 at 15 h 32 minNina@)
Désolé, quel que soit le style employé, il me parait nécessaire de rendre compte de ce type d’établissement qui nuit grandement à l’image de notre restauration et aux bons cuisiniers. Je trouve même que l’on ne le fait pas assez dans d’autres domaines notamment la Grande Distribution et ses très mauvais produits. Le conter par l’humour me parait plus judicieux que l’insolence. Petiterenaud, ne vante que ce qu’il aime, doit-on en déduire que tous ceux dont il ne parle pas sont mauvais. Je ne suis pas toujours d’accord avec François Simon, mais on ne peut que lui reconnaître un grand professionnalisme sur les métiers de bouche et un style d’écriture oh combien finement ciselé dans une période où le langage texto fait un ravage. Amicalement.
karoutcho
27 juin 2012 at 16 h 54 min4€ de musique ???
karoutcho
27 juin 2012 at 16 h 59 minhttp://youtu.be/IsFfiD7TxVw
Berlage
27 juin 2012 at 17 h 52 minet, en plus, la (mauvaise) musique est facturée 2 euros par personne…….
Nina
28 juin 2012 at 15 h 01 minjean-Louis@
Je qualifierai plutôt le style de Monsieur Simon de masturbation intellectuelle mais très éloigné d’un « style finement ciselé » j’ai eu l’occasion de lire quelques uns de ses ouvrages et j’avoue m’y perdre dans ses états d’âme et ses circonvolutions gastronomiques, mais l’humour je ne l’ai pas trouvé.
T. Tilash
28 juin 2012 at 15 h 44 minJe suis d’accord avec Jean-Louis. Ce genre de « restaurant » est une honte et il faut le dire.
M. Simon n’est pas en train de frapper à terre une petite gargote qui fait de son mieux mais qui peine à sortir de la qualité. Il dénonce le gras d’un établissement qui jouit de son emplacement hautement touristique pour s’en foutre de ce qu’il met dans l’assiette, car on le sait bien, un touriste ne reviendra plus. C’est lamentable.
Pour ce qui est du style, je trouve étonnant, Nina, qu’après avoir lu « quelques uns » des livres de François Simon, ceux-ci ne vous ayant pas plu vous lisez tout de même son blog… Ne seriez-vous pas en train de faire ce que vous réprimez, critiquer sans humour ?
Nina
2 juillet 2012 at 12 h 10 minTilash@
1/ je suis tombé sur le blog de François Simon par hasard via google, en cherchant une adresse à Montmartre
2/ je ne critique pas sans humour, je dénonce la méchanceté gratuite
3/ si je devais critiquer les ouvrages de Monsieur Simon, là je risquerai de devenir méchante et sans humour,cela ne présente aucun intérêt ni pour vous ni pour personne
Pascal
11 juillet 2012 at 23 h 00 minFinalement, monsieur Simon s’est consolé avec une Côte-Rotie de Guigal. C’est toujours çà de pris.
louer en espagne
30 juillet 2012 at 11 h 35 minJe suis heureux de savoir ce billet de blog. J’ai lu quelques autres entrées de ce blog et j’ai trouvé les impressionnante, on. Je suis impatient de ce blog.