La table et ses bonnes intentions

Il faut nous voir à la rentrée avec nos bonnes mines et nos bonnes intentions. On devrait nous enregistrer, nous filmer, nous mettre presque sous globe, tant nous sommes vertueux. Et qui plus est : en forme, souriants, dispos, apaisés, clairs et nets. Pas de pain, pas d'alcool, pas de plat en sauce, ni fromage, ni dessert. Dans trois mois, nous serons parfaits : dignes des Triplés de Madame Figaro, légers comme des elfes, vifs comme des cabris. Pour un peu, on pourrait même rejoindre les Dieux. Mais ça, c'est une autre paire de manches.

En attendant, on reprend un peu de la tarte aux pommes qui somnolait dans l'assiette d'en face, une bouchée au chocolat qui se dandinait près de l'expresso, une tuile aux amandes qui se promenait par là. Le soir, de façon étourdie, tellement on était content de soi, on a repris de ce capiteux vin italien. Le week-end, dans un repas amical, pour tromper son ennui, on a scalpé la terrine de rillettes du Mans avec une demi-baguette croustillante. Résultat, la balance vous a regardé de son oeil narquois en affichant ses scores infamants. Vous voilà redevenu comme avant, intact, nickel, avec ces kilos superflus. Octobre viendra vite avec les premiers froids, ses plats caloriques, la mousse au chocolat de Colette, l'armagnac de Maurice. Le mythe de Sisyphe doit être inspiré de ces rouleurs de boulettes de pain que nous sommes.

(photo F.Simon).