C’est toujours courageux, mais risqué de m’envoyer un sms

Paris, Acajou, salle 1
Une petite histoire qui m’est arrivé…
Rien de plus embarrassant parfois que d’être surexposé. La gloire vous tombe dessus comme une nappe de pétrole. Les oreilles bourdonnent, les chevilles
enflent. Impossible de différencier le miel des mouches. C’est un tunnel. Certes, de velours, mais éblouissant de lumières artificielles, de fiel injuste et d’embrassades étouffantes. C’est ce que connaissent parfois les chefs. Surtout ceux que la télévision a perchés sur le haut du tabouret. Prenez Jean Imbert

catapulté par « Top Chef ». Son restaurant ne désemplit pas. Et croyez-moi, je me suis pris une bonne dizaine de râteaux avant de choisir ce qui restait. 
À savoir, un jeudi soir à 20 heures. À l’origine de ce dîner, un SMS de la part du chef adressé début septembre, où il se posait la question de savoir si sa cuisine me « plairait ». Ou non. Dans ce genre de plan, c’est assez impitoyable. Il faut être franc, sinon on rejoint la comédie décrite ci-dessus. Allons-y.

Paris, Acajou, grande table
Le décor est plaisant, contemporain, avec des pénombres parfois trop sombres et des éclairages violents. L’accueil est juvénile et courtois. Les clients sont de ceux qui passent d’une place d’opéra décrochée au comité d’entreprise à une table en vue. Les sorties, ce sont des distractions. Et ce restaurant en fait partie. On vient voir le chef, manger sa cuisine, lui serrer la louche. Après tout, il passe une bonne partie de l’année dans la télé du salon, on l’héberge avec ses larmes, ses rires et ses plats. Il nous doit bien ça. L’assiette bouge beaucoup. Elle a du swing, mais lorsqu’on s’en approche trop (c’est le risque des tables qui demandent qu’on les écoute), elle dévisse quelque peu (acidité de la crème d’artichaut avec le poisson, fatigue des langoustines – servies avec la poularde – masquées par


un assaisonnement trop relevé). Les champignons de la poêlée y sont restés trop longtemps et les figues pas assez. Bref, il y a beaucoup de bonne volonté 
et celle-ci suffit à passer une bonne soirée. Du reste, la clientèle est contente d’être là, d’en faire partie. On attend le chef, mais il ne vient pas. Il était ce soir ailleurs. Au Salon Cuisinez. Mince alors, c’est la morsure de la télé. On le croyait à nous, pour nous seuls avec notre menu à 60 €. En fait, il était dans le salon des voisins d’en face. Ailleurs : la maladie des chefs d’aujourd’hui. Heureusement pour les restaurateurs qu’elle n’est pas transmissible aux clients.


Paris, Acajou, plat 4
 

L’Acajou, 35 bis, rue Jean-de-La-Fontaine, Paris XVIe.
Tél. : 01 42 88 04 47.