Buenos Aires. Et si l’on s’envolait pour la Patagonie ? (oh oui !)

IMG_5503Une jeune liane blonde

Lorsque l’avion a chaloupé au dessus de l’aéroport de Calafate, j’ai failli prendre le bras de ma voisine et lui montrer le lac magnifique, la chaine de montagnes et les couleurs incroyables de cette toundra australe. Pour tout dire, j’aurais préféré que ce soit celle de la 29B, magnifique jeune liane blonde encadrée par deux quadras, gaillards, rugissants de santé, irradiants d’un bonheur à venir. Tous les trois étaient fin équipés, déjà en fibres stretchantes, lunettes réverbérantes et accessoirisés aux grandes marques du muscle. Tout était résumé en eux. Ici en Patagonie, on vient se ressourcer, reprendre de la pulpe, de l’oxygène et de l’horizon. Celui-ci élargit les tempes,  donne de la nacre aux yeux, du rose aux poumons. Visiblement, dès le petit aéroport, chacun a son idée puissamment riveté dans le crâne. La mansion qui nous attend s’appelle Eolo. C’est  un ranch de 4000 hectares affilié aux Relais & châteaux. On le voit de loin, comme un monastère contemporain, posant ses rectangles sur la hanche de l’immense plateau. La route gravillonne. Dès l’arrivée, vous ressentez un bond prodigieux dans l’espace. Celui-ci est taillé dans de larges fenêtres, délivrant le paysage de façon cinématographique. L’air est pur, rapproche les distances. Il étourdit les sens. On entre alors dans une divine démesure, essayant de comprendre le langage des nuages et des lumières. Celles-ci dialoguent avec le pelage de la terre. Il passe de l’anisé au vert empire, du blond de miel à la coquille d’oeuf. Il y a un dialogue évident. Parfois une bribe vous revient, comme en écho au babil de Buenos Aires, l’antithèse minérale de sa névrose. J’ai marché jusqu’à plus soif. M’assurant que plus personne ne me regardait, je me suis allongé le sol, ai enfoui le visage dans la terre comme un tapir, comme pour retrouver un puit artésien, une vérité enfouie. Elle sentait bon l’herbe fraîche, la douceur tabac des brindilles séchées, la moiteur mentholée de la terre. Il y avait là une douceur maternante, sans doute la vérité du voyage. On chantonne alors. On chante même le coeur allègre. On pourrait presque croiser le Petit Prince, dans son ensemble de feutrine vert amande. Saint-Ex l’imagina en ses contrées…

IMG_5532Au diner ce soir, un osso bucco très civilisé, du malbec d’Argentine. Rodrigo Braun, l’un des propriétaires associés, est un vrai Argentin. Ses grands parents viennent de Lituanie et d’Allemagne. Ensuite, dans un probable séisme de couvertures, les méridiens se sont mêlés pour donner ce grand gaillard au regard d’un bleu très réussi. Il parle d’une voix calme et étirée de ces hôtes venus gouter ici le « luxe des choses simples, la nature, des nourritures apaisées, s’asseoir devant le paysage. Et découvrir qu’il ne s’y passe rien. Ou plutôt tout son contraire ». Dix sept chambres, des chevaux, des sentiers et l’infini de la Patagonie. On m’avait annoncé des aubes somptueuses. Du coup, pendant toute la nuit, j’ai guetté le moucheté de la pénombre. L’aurore approcha, déposa ses à plats, aubergines, ses hémorragies de gris étain, de violets inédits, d’orangé Hermès.

Au petit matin, l’heure est au glacier. Mieux vaut venir dans les premiers, car ensuite c’est le caillot touristique à cannes télescopiques. Dans leur viseur,  cette spectaculaire mer de glace entre à peine. On assiste presqu’en applaudissant à la fin monde. Ce front mentholé de trente mètres de haut, avec le réchauffement climatique, est en train de de se fracasser contre la roche. Des pans entiers de glace bleutée s’effondrent dans un craquement d’os . Il n’est pas blâmable d’accueillir alors un instinct meurtrier. Et suggérer, mezzo voce, que l’on n’aurait rien contre à que cette lave glacée avale au passage un autocar de touristes, leurs effusions sonores et leurs ceintures bananes.IMG_5539

  • Popof
    7 avril 2016 at 8 h 41 min

    En jambes en effet ..