Yam’Tcha, la gorge d’une cuisine
Pour la nouvelle rubrique du M, le supplément du Monde, j’avais fait quelques petits textes pour chauffer les gommes. Cela prit un certain temps et du coup, certains d’entre eux ne sont plus d’actualité. Comme celui de Yam’Tcha qui était encore ouvert. C’est dommage mais pas tant que cela. Car le texte existe encore et mieux encore, le sentiment laissé. Je vous le livre ainsi…
Certes, il y a l’assiette. Sa scénographie, les légumes du jardin, la volaille de race, le poivre de sarawak. Certes, il y a la salle, le service. Mais il y a aussi un élément fondamental pour comprendre un restaurant . Et qui sait : l’aimer, y retourner. J’ai toujours pensé que la voix du chef, sa tessiture, ses intonations étaient plus qu’un livre ouvert. Mais sa marque de fabrique, l’épaisseur de son sentiment. De sa bonté. Qu’importe également les mots, tout est dans le ton. C’est que je pensais en entendant Adeline Grattard, du restaurant Yam’ Tcha à Paris, lorsqu’elle parlait à ses seconds.
Son restaurant situé à l’orée des Halles est modeste dans ses dimensions, au point que la minuscule cuisine donne sur la salle. Entre les deux, le passe-plat (largement ouvert) a été aménagé en table pour deux, un côte à côte privilégié. Vous voici donc presque dans la cuisine, le nez au dessus des plats, le visage dans l’haleine chaude des fourneaux. C’en est troublant, paniquant lorsque l’heure est au coup de feu. On est presque de trop mais qu’importe. Un chef apprécié (une étoile au Michelin) s’active, les traits poncés par le scrupule . Souvent, elle prononce un « oui » appuyé, insistant, presque de sage- femme dont la sonorité vous dit long sur sa cuisine. Il y a là de l’exigence, de la patience (enfin, de l’impatience!). Le « oui> s’étire comme une douce exhortation. A la limite, ce fut le souvenir de cette soirée enveloppé de « petits plats cuits à la vapeur en buvant du thé », le postulat de la maison. Par chance, on y sert aussi du vin : sommellerie avisée et juvénile, sans prise de tête ni de surabondance de « sur » les coteaux, le bois, le fruit, la chaise. Cuisine souple et centrifuge: ventrèche de thon, avec tomates oignons pickles d’oignon ; foie gras de Vendée poêlée avec champignons des rivières asperges et truffe noir d’Australie ; crevettes Curcuma avec un bouillon de volaille et choux pointus ; canard à la séchouanaise. C’est souvent bon, très « senti ». La prochaine fois, laisser trainer votre oreille, non point dans une friture, mais dans le chant des patrons et des cuistots, vous verrez (vous entendrez), ce chant secret, cette peur perdue, cette douleur inquiète . Oui ?
Encore plus
Là c’est bien. La table idéale reste bien évidemment, celle donnant sur la « kitchen » (c’est son nom). Pour la décrocher, il suffit d’être patient. Vingt jours pour ma pomme.
Ah non pas ça !
Hélas, sans doute lassée, d’attablés un peu lourds, Adeline renoncera à cette configuration dans sa nouvelle adresse, à deux pas d’ici, rue Saint Honoré. Elle voudra retrouver son intimité, son quant à soi.
A piquer discretos.
Manger en cuisine à la maison, rien de tel pour s’entremêler dans les saveurs et les fumets, se lever, se resservir, donner un coup de main. Bien aussi, le thé servi pendant le repas, rien de tel que le liquide chaud pour amadouer l’estomac, le rendre bienveillant
Passage à l’acte.
Yam’Tcha, 4, rue Sauval, 75001 Paris. Tel. : 01 40 26 08 07. Fermé dimanche et lundi. www.yamtcha.com
Décibels : 67db. Recueilli et sage.
Température : 21°c.
Est ce cher ? Pas donné : 100 euros par personne pour le menu dégustation en sept séquences servi le soir. C’est 60 euros au déjeuner.
Ira- t- on ? Oui : gastronomie fraîche et délurée.
Usage minimal : au déjeuner, c’est moins long et moins cher : 60 euros.
Ratatouille
22 janvier 2015 at 17 h 07 minUn bel article pour patienter… en attendant le deuxième Soft opening spécial « fidèles de « Simonsays » , pour l’ouverture du tout nouveau Yam Tcha d’Adeline, rue Saint Honoré, sans vue sur les cuisines…
On peut toujours rêver 😉
Ratatouille
11 février 2015 at 14 h 13 minLa prochaine table en avant-première » située non loin des Halles »?
L’indice donné dans la newsletter de Simonsays ce mercredi me donne bel espoir 😉
Bon voyage en Corée !