Ah j’avais oublié de vous donner ma gare de Pékin…


Pékin, l'incantation sourde des 117 départs
Pekin, gare, pub

Au début de l'été, j'étais parti faire un tour à Pékin pour essayer de raconter la gare de Pekin. Voici le texte paru dans le Figaro, il y a quelques temps…
 Les voyageurs avaient senti qu'il se passait quelque chose. Que la ville avançait à grands pas. Les tubulures, les câbles, les empilements. On sentait même l'haleine de Pékin, sa brume de craie grise, ses nuages lourds. Mais avant tout, elle avait à dire, avec puissance. Pékin raconte encore son passé. Un pavillon médiéval surgit dans le cadre de la fenêtre signifie que nous entrons dans une cité de pouvoir, ancienne. C'est l'un des derniers pavillons sauvegardés, les autres furent rasés. Le prince Norodom Sihanouk qui adorait arriver ici avec son propre train avait pesamment oeuvré pour qu'on le conserve. Il fut donc sauvegardé.
Puis tout se précipite, les voies se démultiplient, les pylônes se rapprochent, les immeubles grimpent, les haut-parleurs s'activent, les enfants crient. Les grands se lèvent, les petits se faufilent. La gare arrive avec ses poutrelles, nous couvre, nous avale. Nous sommes arrivés. Sacs, valises, cabas, on se bouscule. De l'épaule, du pied, des hanches, du derrière. C'est comme un massage. On est les uns sur les autres. Pores de la peau, aisselles, casquettes. Pékin est maintenant sous nos pieds. Nous filons sur le fleuve humain. Il nous dirige vers le ventre de la ville. Celle-ci est dans ses promesses, ses calicots publicitaires, ses vitrines aux couleurs si vives : alcools, électronique, cigarettes et petites pépées. Nous sommes dehors.
À la gare centrale de Pékin, il existe une vaste sortie. Et une immense entrée ventilant vers les 117 trains quotidiens perforant 25 ha de superficie avec ses marbres, appliques électriques, escaliers mécaniques, ascenseurs et hauteurs sous plafond à se dévisser le cou.
 
Pekin,gare, adieu !

Mêmes scénarios, files d'attente, invectives rustaudes, téléphones en feu, regards ardents, adrénaline. On a tout juste le temps de regarder cette princesse sortie d'une boîte de soie. Elle est habillée comme pour un mariage. Ou ces paysans assis sur leurs balluchons, peaux de cuivre, regards de fièvre. Ou encore cette femme qui pleure. D'émotion, de pollution. On ne saura jamais. Elle tamponne ses yeux. La tristesse la ponce. À l'intérieur de la gare, il fait si chaud. La buée et la sueur rendent les scènes cinématographiques. Sept immenses salles d'attente sont à la disposition. Des agents passent avec un mégaphone, houspillent les étourdis, harcèlent les égarés, activent la foule. Certains prennent le temps de finir leur maïs rissolé, d'autres plongent les baguettes et le nez dans un bol de nouilles. Il y a comme une urgence à tout. Que cherche cette grosse dame dans ses quinze sacs ? Une broche, une pastille, son ticket de train ? Mystère.

Un temple du moment
Parfois, une plaque commémore un fait saillant. Ici on n'a guère le temps de se souvenir. La gare est un temple du moment, du départ. La musique est céleste. On croit alors entrer au paradis. On choisirait la ouate de ses ailes. On aurait une destination, des nourritures pour le train, un soda et les cheveux dans les yeux. A-t-on franchement envie de penser que cette gare fut édifiée en 1959 ? Pourtant, on la construisit comme des dératés. Huit mois, vitesse de l'éclair pour le dixième anniversaire de la Chine populaire. On s'offrit une dizaine de monuments : un Musée des beaux-arts, une poste centrale, un Musée de l'agriculture, un Palais des cultures minoritaires, des gymnases…

Pekin, gare, homme mangeant

 
La gare centrale de Pékin est, à entendre les spécialistes, sans histoire. Pas de gros malheurs mais pas de vie anodine pour autant. Dans les années 1960, on accueillit ainsi, raconte le professeur, un conducteur qui avait extirpé son train d'une inondation. Les autorités saluèrent, précise la traductrice dans une étourderie exquise, l'arrivée 
« érotique » du bonhomme. Héroïque, donc. On aime imaginer l'impensable. Du reste, la gare est un lieu fait pour l'imagination. Comment seront les paysages, les voisins, la nouvelle vie, ma future femme ? Mon fils aura-t-il à ce point grandi, mon grand-père sera-t-il devenu sourd ? Il y a dans les gares comme une incantation faite d'espérance. C'est le lieu du possible et du devenir. Peut-être plus ici, parce qu'à Pékin, on ne cache rien. On rit, on crie, on parle fort, on crache, on songe sans retenue. C'est un livre ouvert avec plein de lignes. Elles sont ferroviaires.

Pekin, gare, jf tel

Train express
1901 Première gare construite sous la dynastie des Qing. Toute proche de l'actuelle gare centrale, elle est devenue un musée.

20 JANVIER 1959 Début des travaux de la nouvelle gare. Ils durèrent jusqu'au 15 septembre de la même année.

AOÛT 2008 La gare du Sud est inaugurée. Elle accueille les trains à grande vitesse.
Pratique
Y ALLER
Air France assure deux vols quotidiens entre Paris-CDG et Pékin. À partir de 913 eur en classe économique. Promotions régulières sur le site de la compagnie. Le vol dure environ dix heures. Tél. : 36 54 et www.airfrance.fr
FORMALITÉS
Passeport valide six mois après la date de retour. Visa obligatoire.
HEURE
Quand il est midi en France, il est 18 heures à Pékin, en été.

Pekin, Four Seasons, chambre et smog

Y LOGER
Au Four Seasons, récemment ouvert, hôtel de prestige qui en impose avec deux restaurants de haut vol : la table italienne Mio (restaurant de l'année) et une chinoise, Can Yi Xuan. À partir de 180 eur. www.fourseasons.com/beijing. Ou au Westin, bien placé (quartier de Chaoyang) et proche de l'aéroport (25 minutes) avec un confort (piscine, spa, restaurants) bienvenu lors d'un séjour actif. À partir de 165 eur. www.starwoodhotels.com/westin
Photos FS
Demain: mes bonnes adresses de Pekin…