Chronique du Figaro quotidien en version acoustique:
Depuis des semaines Hervé L, de Nantes, n’avait de cesse de me relancer sur un restaurant par mails louangeurs. Selon lui le restaurant Anne de Bretagne, à la Plaine sur Mer était de loin, le meilleur de la Loire-Atlantique Le meilleur ? Oui, scandait-il tous les quinze jours. Dans ce genre de plan, on tisse des interrogations. Serait-ce le gendre de la caissière, l’oncle du voiturier, le neveu du directeur de relations humaines, le pseudonyme du chef lui-même…
Ne rigolez pas, cela était arrivé, il y a quelques années. Il s’agissait d’un restaurant de la rue de Bourgogne, à Paris. Voyant que la presse pilonnait sec en compliments sur une nouvelle table modeuse propulsée avec les hélices d’une attachée de presse, un de ses concurrents de la rue m’envoya une adresse attendrissante. Voulant éviter l’allusion frontale, il l’avait signée d’une dame du coin qui était tombée sous le charme de sa cuisine : "simple, généreuse, de bistrot comme vous les aimez…Rien à voir avec les artificiers nouvellement installés non loin de là";. La lettre était bien tournée et c’est vrai que la table visée en faisait des tonnes. C’était parfait comme introduction pour pondre un petit papier paradoxal ; rien de tel que le chaud/froid, le sucré/salé, devant/derrière…
J’y suis donc allé le papier à moitié rédigé dans la tête. Lorsque patatras, les plats arrivèrent. C’était médiocre, petit, laborieux, gentiment foireux. Il fallut bien conter cette savoureuse mésaventure. Plus tard, j’appris que c’était donc le chef lui-même qui m’avait tiré ces drôles de ficelles. C’est en pensant à cette histoire que j’y suis retourné cet été après quelques mails lancinants de cet Hervé L. tapi probablement dans le coin sous sa serviette de bains.
J’avais même l’impression de le sentir dans l’embrasure des tentures lorsque je me suis assis un beau jour de grande marée à la Plaine sur mer. Le coin était gorgé de monde et pour cause, à marée basse, le rivage se découvrait à son maximum délivrant d’innocentes colonies de moules. Fallait voir ça, un monde à la Debout, se baladant en short, épuisette et seau en plastique. Un vrai bonheur coloré et populaire. Des voitures dans tous les coins, le pas pressé des retardataires. Nous étions en appétit. Qu’advient-il ?
Le repas fut impeccable et mieux que cela, il s’agissait effectivement d’une adresse extra. Ce genre de table oubliée remontant le courant avec valeur et honneur. Qui plus est dans ce genre d’effort rentré, le chef en désespoir de cause accroche à ses moulinets, des drapeaux de détresse dans tous les sens, des feuilletés, de la poudre en éraflures, des chimies algébriques, des noms à vous snober. Là, non, rien, les plats étaient tout nus, sobres, dignes comme s’il s’en fichait des regards. Il était dans son assiette, il travaille à l’épure, au vif, à l’instinct : langouste rouge de l’Atlantique chaud froid pomelos en avocat, langoustine royale en tempura émulsion de carapaces, bar de ligne « basse température » concassée de sardines et huîtres bigorneaux et couteaux, étrilles en consommé à la citronnelle, homard bleu rôti à la coque huile de vanille Bourbon poêlée de girolles…
Une nouvelle fois, c’est très bien. Loin de tout, ce qui n’est pas fait pour nous déplaire. Sommellerie dirigée par madame avec science et doute doctoral : elle ouvrit à la table un Puligny Montrachet légèrement bouchonné qu’elle remplaça dans l’instant avec cette douleur navrée qui n’appartient qu’au candide (et aux acteurs de théâtre). Cadre à l’image de la cuisine : net et donnant sur son inspiration première : la mer qui tout au loin s’en était allée .
Alan Bloom
18 septembre 2009 at 10 h 52 minJe vais prendre un billet de train et aller déjeuner là-bas. Merci pour ce poste croustillant.
Raf
18 septembre 2009 at 15 h 20 minEn regardant sur le site, j’ai découvert un menu enfant, vraiment fait pour les enfants. Pas simplement un menu qui se résume au mieux à un morceau de poisson et de la purée, avec une glace. Un vrai menu construit sur les saveurs : entrée (Acide) , plat (Salé), et 2 dessert (Sucrée et Amer)…
Rien que ça c’est une excellente initiative pour faire découvrir la cuisine aux enfants !
Puis 2 desserts « C’est vraiment trop injuste… »
Gould
18 septembre 2009 at 21 h 38 minMais pourquoi faut-il que les chefs présentent leurs créations dans des plats qui ressemblent à des urnes funéraires?
Ai-je l’esprit mal placé ou la première photo représente en fait un Alien sortant ses 5 tentacules de son oeuf?
Syl
19 septembre 2009 at 10 h 40 minUn monde « à la Dubout », non ?
;+)
revedor44
30 septembre 2009 at 18 h 47 minLichèle Vételé a été élue meilleure sommelière de France.
Félicitations.