La maison Hermès et s'apprête à sortir un nouveau de parfum (<Voyage d'Hermès>) et ce en avril. Il a été conçu par Jean Claude Ellena, parfumeur de la maison. Je l'avais rencontré l'été dernier à l'occasion d'un papier sur le plaisir qui n'est jamais paru… C'est trop bête de le laisser dans l'ordinateur,le voici donc pour vous. Même question fut posée à Trish Deseine et Paul Smith… Commençons par Jean Claude Ellena. Ce fut pour moi un grand moment de plaisir que de le rencontrer…
Vous imaginez parler du plaisir tout à blanc. C’est intrusif, n’est-ce pas ? C’est comme si l’on pénétrait chez quelqu’un avec ses chaussures, on s’allongeait sur son lit et on lui disait : parle !Il y a certes plus inconfortable : renverser sa tasse de café sur une étoffe innocente, oublier un anniversaire, rater un train sentimental, omettre de vivre. Mais le siècle est indulgent, il a réponse à tout. Ou presque. C’est sans doute sous le couvert de cette mansuétude que nous sommes allés gratter aux portes de quelques personnes de qualité. Mais rassurez vous, nous avons retiré nos chaussures.
Sur la terrasse de la maison Hermès, rue du faubourg Saint Honore, à Paris, Jean Claude Ellena, le parfumeur maison, n’a pas préparé de notes. Cela tombe bien, car la journée est d’un azur glorieux. À la limite, on ne parlerait pas. Après quelques heures, on se serrerait la main, l’ascenseur vous ramènerait au sol. Mais il y a griffonné sur le carnet le mot « plaisir », alors on va le contourner, comme on le ferait d’un flan avec le tranchant de la cuillère.
Heureusement Jean Claude Ellena a la civilité de lever toute équivoque : <Privé ce sujet ? Non pas vraiment, car le grand plaisir est une question de partage. C’est celui d’être ensemble, au restaurant, de parler, de boire, de manger. Il y a en France cette culture vitale qui tourne parfois à la dimension d’une drogue, celle des endomorphines, ces fameuses hormones qui se déclanchent lorsqu’on a couru pendant 15-20 km. C’est alors la création d ‘un manque permanent, l’ivrognerie du plaisir ! L’achat procède de même.
Il y a l’achat pour l’achat mais surtout l’achat désiré. Vous aviez vu un meuble, une estampe, une ceinture de cuir. On arrive alors à se l’offrir. L’objet est là, le plaisir demeure chaque fois que l’on passe près de ce meuble, de cette estampe, que l’on passe cette ceinture dans les passants. Il fonctionne en résonances. Il appartient à ces petits plaisirs que constituent une raie de lumière, un sourire. Les multiplier constitue un art de vivre . On les ajoute, les surajoute : à table lorsqu’on boit un bon vin, on ne peut s’empêcher d’en parler, on est dans l’entendement, le clin d’œil ; le corps parle. Il peut même parler : dis mois ce que tu penses, ce que tu ressens : j’existe alors par ta parole. S’il n’y a pas d’échange, on est foutu ! Le paradoxe du plaisir lorsqu’il déborde, on en oublie son corps, on passe de l’autre coté, une sorte d’essence. On réalise alors que tout va bien, la plénitude est proche>.
C’est drôle pendant tout l’entretien, le soleil n’a pas bougé, c’est comme s’il écoutait.
R.Gloaguen
29 janvier 2010 at 17 h 13 minTrès joli papier et émouvantes évocations.
On aimerait beaucoup vivre sur cette terrasse de la rue du faubourg Saint-Honoré où la magie opère.
Sunny Side
30 janvier 2010 at 8 h 46 minVrai plaisir de vous lire et de l’écouter. Le blog de sa fille Olfa est également un bouquet de mots et de senteurs. Son post sur la mort est étourdissant.