Saibron, la chouquette baudelairienne

 9 Chouquette

Il n'y a pas longtemps, nous avons effectué un test de la chouquette pour le Figaroscope…Voici une petite expérience du coté d'Alésia, un samedi matin, en solo…

La chouquette pourrait ne pas exister. Un jour, elle sautera des lignes de la gastronomie. Parce qu’elle appartient aux oubliettes, elle n’a pas franchement sa place. Elle est dans le no man’s land gourmand, une fille de la route, un enfant des grands chemins. Elle n’a ni sa place dans les restaurants, ni dans les salons de thé, elle vogue ailleurs, bohémienne, gypsy.

Rien que dans son nom, il y a de la provocation, une insolence. Elle semble née de la fronde, s’y logerait idéalement pour briser le miroir des convenances alimentaires. Elle est hors programme, sans utilité ni fonction. Poétique. Juste pour faire bisquer. C’est une gredine qui se laisse gober direct. On n’est même pas sorti du magasin que déjà, on fond sur elle. C’est une friandise de boulanger plus que de pâtissier car elle doit rester brut de coffrage, pas trop maniérée mais quand même délurée.

Au hasard de notre enquête, celle de chez Dominique Saibron, au carrefour Alésia.

L’accueil. Ce samedi matin, c’était plutôt bon enfant avec la file d’attente des mal réveillés. Relance la vendeuse, on lui répond la langue encore en pyjama de vagues borborygmes minimalistes : baguette,…Croissant… Pour nous ce sera des chouquettes. Elles sont proposées en boîte de 12. Va pour la boîte. Direction la terrasse de la pâtisserie

La terrasse. C’est impressionnant ce carrefour et sincèrement fascinant dans son spectacle. Enormément de monde, de voitures, c’en est presque une ivresse de tant de visages. On n’est pas encore dans Saint Germain et sa jolie faconde, ici on est encore dans son spleen et ses cernes. Formidable dévidoir de bobines sans défense…Par moments, on bascule presque dans ces visages qui ne vous voient pas. On entre par effraction dans les strophes de la Passante de Baudelaire

La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

La chouquette. Bien calibrée (la bouchée parfaite), alliant le sec et le moelleux avec une petite tendance pour la résistance, légèrement grasse et croquante tout de même. Il manque peut-être une profondeur savoureuse, un petit air canaille irrésistible ; sans doute la fraîcheur et trop de blondeur.

Le service. En terrasse, une serveuse compréhensive et pleine de gentillesse malgré une clientèle indifférente et bougonne. Bien. Est ce bon ? moui. Est ce cher ? ça passe : Faut-il y aller ? pour le spectacle du carrefour avec un café crème, c’est extra.

Dominique Saibron,77, avenue du général Leclerc, 75014 Paris (01.43.35.01.07).  Map

  • Mr G
    19 avril 2010 at 11 h 42 min

    Le blog d’une amie qui teste les patisseries à Paris:
    http://raids-patisseries.blogspot.com/

  • Georges
    19 avril 2010 at 19 h 01 min

    Une gourmande de cochonneries en tous genres du doux nom de Blandine rappelle une autre définition de la chouquette : « Surnom fantaisiste des testicules, par métaphores gourmandes ».

  • francoise
    20 avril 2010 at 7 h 36 min

    la chouquette en boîte cartonnée …hérésie !
    Quel non-sens pour ce petit chou sucré ,qui doit tressauter dans le sac en papier du boulanger…et hop,on ouvre le sac ,et hop on en avale une,tant de légèreté, pas de goût prononcé certes mais le croquant des pépites de sucre qui fondent sur la langue…
    à chacun sa madeleine…