le 12 / 11 / 2013

Humeur: T’es beau ? T’es pas beau ?

Le Canard enchaîné de cette semaine relate le témoignage pas piqué des hannetons de deux ex-serveuses d'un restaurant à la mode de Paris racontant les moeurs de l'accueil de celui-ci. D'après elles, le placement des clients se fait selon deux critères : clients beaux ou clients pas beaux. Les premiers devant le paysage, en vitrine. Les seconds derrière. Notre monde est curieusement fait. Il trie à longueur de temps, fait les essuie-glaces. Ça doit même commencer dès l'école : les premiers de la classe devant ; les autres près du radiateur ou près de la porte. On classe dans tous les sens : les équipes de foot, les avocats du barreau et les cliniques capillaires. L'univers du restaurant fonctionne aussi dans cette continuité. Surtout à Paris. L'effet de loupe souligne constamment les inégalités. Mais on joue avec elles, comme dans l'univers des brasseries mélangeant les classes et les âges, les soupes à l'oignon et le foie gras (avec supplément). Elles sont le fruit de la société du spectacle et d'une époque. Il y avait un temps (celui de l'après-guerre) où la prospérité se mesurait au tour de taille des clients. On portait alors sa bedaine comme un drapeau, une médaille. Après des années de disette, on revendiquait haut et fort son appétit à dévorer la vie. On devait placer en évidence ces statues du bonheur retrouvé. Elles incarnaient celui du restaurant. Lui-même avait une idole, le Bibendum Michelin, rondelet à souhait, déployant ses bourrelets comme les armoiries d'une France remplumée.

Aujourd'hui, la beauté, la minceur ne font plus qu'un. Un restaurant surtout lorsqu'il est à la mode est comme un théâtre avec ses codes et son jeu. La mode nous amuse et nous intéresse parce qu'elle singe la société. Elle en est drôle et dérisoire. Parfois même cruelle avec elle-même, brisant ses codes, arborant des octogénaires et des mannequins tout en chair. Il fut un temps où les restaurants à la mode étaient consternants. On y mangeait des salades aux petits cailloux. Maintenant ce sont des lieux manucurés par les meilleurs designers. Il faut époustoufler, en jeter : starlettes à l'accueil, hidalgos en salle, marbre dans les toilettes et ce, dans une surenchère de la superficialité ; un jeu comme un autre avec ses trompe-l'oeil, sa séduction et ses simulacres. Un vrai professionnel va jouer avec tout cela. Il lui revient de composer une salle comme un bouquet de fleurs, il alterne les roses et les fougères, ne met jamais deux beautés côte à côte de peur qu'elles se griffent ; rapproche les solitaires, éparpille les nationalités ; récompense ceux qui se sont mis sur leur trente et un d'une table en vue. Rien de plus consternant que de voir en plein été un type en short se pointer chez Gagnaire, ou en tee-shirt à la Tour d'Argent. Ajoutez à cela que la beauté est un élément hautement fluctuant. Il existe d'admirables laids, des chefs-d'oeuvre assommants de banalité et des canailles desséchantes de vulgarité. Finalement, on devrait pousser le bouchon un peu plus loin. Aménager une gratuité pour les beaux, leur offrir le champagne à volonté, les gaver au saumon sauvage, les assaillir de compliments et leur demander de rester après le service. Les taxer.

Guy Jollivet

12 novembre 2013 at 12 h 10 min

Monsieur,
pourquoi vous ne citez pas le nom des restaurants en cause, à savoir : Costes.
Les serveuses sont choisies aussi pour leur beauté.
Par contre le critère de beauté ne s’applique pas aux riches et aux gens célèbres.