Nez à nez: la rubrique a repris sur le Figaro Madame

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Régulièrement avec Marion Louis, sous l'égide de Brigitte Papin, je promène mon nez sur de nouveaux parfums… A tout hasard, voici la dernière rubrique paru ce samedi dernier…

Dahlia Noir. Givenchy Vous avez peur ? Vous avez bien raison. Des qu'il sort de son suaire rose et noir, ce parfum inspiré de l'univers de Ricardo Tisci, sweet baby gothique, lui ressemble comme une lame de couteau. On voit cette femme passée, délurée, forte mais pas provocante, portée sur la religion, donc d'une sexualité nuancée. Hantée probablement mais sobre dans son sillage net, rose poudré, santal. Comme une lame sur la gorge, on ne joue pas sur le noir impunément. Chocottes glamour garanties.

Love. Chloe. Quel amour singulier que celui évoqué par cette eau de parfum ! Peut on concevoir un sentiment aussi léger, presque fugitif, une sorte de zéphyr poudré, jamais insistant, des fleurs déposées sur la table d'entrée, un peu de musc. Un souffle, une apparition, des voilages qui frissonnent dans la lumière de l'après midi. Dites moi que je rêve, je n'ai presque rien senti. Ce serait alors cela l'amour idéal.

Cuir Fétiche. Maître parfumeur et Gantier. Il fallait oser imaginer un cuir au féminin, le cravacher de haut. Lui faire sentir le mord et s'en aller sans se retourner. Flacon explicité avec laçage dans le dos. Qui le serrera ? Qui le dénouera ? Pas vous probablement. Vous laissez la monture exprimer ses peaux, ni vieilles, ni vaches, jouant dans les oranges, iris, musc bien sur. Une sorte de carénage country, Lady Chaterley n'est pas loin. Elle est dans la cabane du jardinier, effrayée de ce qu'elle fait.

Body, Burberry. Sous l'imperméable, un corps, nu de toutes évidences. Un flacon décomplexé dans sa façon de se dresser, de quoi rendre tout mâle d'abord inutile et à la rigueur, inoffensif. Une sorte de dague neutralisante. Body se veut british assez cinglant et cassant dans cette morgue faite de boiseries, de rose et d'iris. Body curieusement ne se donne pas. Il est une sorte d'armure, comme les écharpes et les trench coats. Ne m'approchez pas, jeune homme, je passe, mon corps reste, mais je suis ailleurs. Nous aussi.

Vitriol d'oeillet. Serge Lutens. On imagine l'auteur de ce sillage, retirer son poignard dans un rire bref. Luxures sulfureuses, vrai enfer de velours noir semé d'oeillets (un thème déserté depuis la disparition de Malimar, chez Floris), une sorte de chapelle gothique, tenace et scélérate. L'univers Lutens, cabré et intense, hanté et agrippé à vos épaules. La girofle cloute judicieusement, mais on aurait presque désiré une morsure dans le cou, l'arborer comme un étendard et se perdre. Un vrai frisson.