Entre Cancale et le Japon, la belle solidarité des ostréiculteurs
Dans le dos de l’actualité se trament parfois de jolies histoires. Alors que les huîtres bretonnes étaient frappées par une épidémie, il y a cinquante ans, les Japonais vinrent au secours du parc français. C’est aujourd’hui l’inverse qui se produit, après le drame du tsunami.
Déjà, Vuitton avait accompagné le compositeur Ryuichi Sakamoto dans la protection de la forêt de Komoro, près de Nagoya. Mais le message de notre druide de la mer, Hatakeyama Shigeatsu, a galvanisé les énergies. Que dit « Oyster Dady » (Papy Huître), comme on le surnomme ? La forêt est l’amant de la mer. En 1989, il a lancé le mouvement « Mori wa umi no koibito », qu’il a traduit par « La forêt désire la mer, la mer désire la forêt ». Il a pleuré de rage de voir, à cette époque, ses huîtres souillées par les boues rouges des estuaires de Kesennuma. Il a voulu savoir. Grâce à des recherches avec des scientifiques locaux, il a enfin compris pourquoi, lorsqu’il ne neigeait pas, les huîtres étaient médiocres. Ces études ont constaté que la qualité du plancton était fonction de l’enrichissement des eaux venues des montagnes et des forêts. Cet approvisionnement en acide fulvique est fondamental : il est issu des strates d’humus de la forêt.
Il s’est décarcassé sur le terrain. A consacré ses économies, celles de sa mère. Il a entraîné des classes entières à replanter dans les montagnes hêtres, chênes, katsuras (arbres à caramel). Vingt ans plus tard, l’océan retrouvait son bleu céleste. La rivière Okawa est à présent le cours d’eau de la région le plus riche en remontées de saumon. Aujourd’hui, dans tous les départements côtiers, des pêcheurs participent au reboisement des montagnes. Shigeatsu a même écrit un conte qui vient d’être traduit en français. « C’est avec le souhait de reboiser le coeur des enfants, dit-il, que j’ai voulu raconter l’histoire d’un petit garçon (Shigeo) et de Papy Huître. Le héros porte mon ancien surnom et le récit s’inspire de ma vie, car les huîtres m’ont tout appris. À l’automne, les saumons venus des mers du Nord passent devant moi pour pondre des oeufs en remontant la rivière. Ils me transmettent ainsi des informations sur la mer d’Alaska, la mer de Béring, la mer d’Okhotsk. Après leur naissance, les petits redescendent et passent devant Papy Huître pour rejoindre les mers du Nord ! »
Il s’est décarcassé sur le terrain. A consacré ses économies, celles de sa mère. Il a entraîné des classes entières à replanter dans les montagnes hêtres, chênes, katsuras (arbres à caramel). Vingt ans plus tard, l’océan retrouvait son bleu céleste. La rivière Okawa est à présent le cours d’eau de la région le plus riche en remontées de saumon. Aujourd’hui, dans tous les départements côtiers, des pêcheurs participent au reboisement des montagnes. Shigeatsu a même écrit un conte qui vient d’être traduit en français. « C’est avec le souhait de reboiser le coeur des enfants, dit-il, que j’ai voulu raconter l’histoire d’un petit garçon (Shigeo) et de Papy Huître. Le héros porte mon ancien surnom et le récit s’inspire de ma vie, car les huîtres m’ont tout appris. À l’automne, les saumons venus des mers du Nord passent devant moi pour pondre des oeufs en remontant la rivière. Ils me transmettent ainsi des informations sur la mer d’Alaska, la mer de Béring, la mer d’Okhotsk. Après leur naissance, les petits redescendent et passent devant Papy Huître pour rejoindre les mers du Nord ! »
La même vague
Il faut le voir distillant ses histoires avec ce regard flottant, sa bonne bouille ébouriffée d’un dieu de la mer. Shigeatsu a reçu cette année la distinction de « forest heroe » par les Nations unies. Il est devenu un personnage au Japon, au point d’être invité par l’empereur pour lui raconter sa philosophie et ses activités, honneur suprême dans ce pays. L’impératrice Michiko est devenue fan et l’invite, de temps à autre, à prendre un thé avec elle au palais.
Pendant son périple en Bretagne, Shigeatsu aura pu frotter son expérience avec celle de ses homologues bretons. Méditer sur cette même mer qu’ils cultivent, accompagnent, guettent, maudissent régulièrement. Celle-là même qui, parfois, enfle et vient choisir ses proies. On retrouve cette même vague chez Hokusai (1760-1849), grand peintre et auteur de récits, ce même fatalisme. « La culture celte, explique Olivier Roellinger, célèbre cuisinier à Cancale, est proche de la philosophie shintoïste. On naît chaque matin, on meurt le soir. Il y a une fatalité, un regard particulier et partagé sur le monde des Abysses, des Atlantides. » Les ostréiculteurs du nord et du sud de la Bretagne en témoignent à chaque saison. Un orage de grêle s’abat, et cinq cents tonnes de coques disparaissent dans un baillement fatal.
Shigeatsu boit une huître et avale sa chair. Le monde semble alors dans sa loi implacable, comme à sa naissance, à son perpétuel renouvellement. Il nous regarde au-dessus de la coquille, mêlant à celle-ci la nacre de ses yeux. Le mot japonaisme signifie les yeux, le regard. Mais aussi, les mailles du filet.
Pendant son périple en Bretagne, Shigeatsu aura pu frotter son expérience avec celle de ses homologues bretons. Méditer sur cette même mer qu’ils cultivent, accompagnent, guettent, maudissent régulièrement. Celle-là même qui, parfois, enfle et vient choisir ses proies. On retrouve cette même vague chez Hokusai (1760-1849), grand peintre et auteur de récits, ce même fatalisme. « La culture celte, explique Olivier Roellinger, célèbre cuisinier à Cancale, est proche de la philosophie shintoïste. On naît chaque matin, on meurt le soir. Il y a une fatalité, un regard particulier et partagé sur le monde des Abysses, des Atlantides. » Les ostréiculteurs du nord et du sud de la Bretagne en témoignent à chaque saison. Un orage de grêle s’abat, et cinq cents tonnes de coques disparaissent dans un baillement fatal.
Shigeatsu boit une huître et avale sa chair. Le monde semble alors dans sa loi implacable, comme à sa naissance, à son perpétuel renouvellement. Il nous regarde au-dessus de la coquille, mêlant à celle-ci la nacre de ses yeux. Le mot japonaisme signifie les yeux, le regard. Mais aussi, les mailles du filet.
(photos FS)
Gertrude Maillard
25 octobre 2012 at 8 h 53 minBonjour,
Voilà,voilà,on accroche les wagons….on l’aime cet homme.
PS: il est passé à Thalassa, ou sur Arte dans un reportage sur le Japon,je me souviens de ce Monsieur