Le Quincy:  » C’est pas un snack, ici ! »

Paris, Quincy extérieur
Il y en a des comme ça. Démarrant au quart de tour, ronchons mais parfois souriants, grand coeur mais accrochés à leur chiffre d’affaires comme des arracheurs de sacs, faux forcenés du bonheur d’autrui et manipulateurs de générosité forcée. Collectionnant des anecdotes de clients houspillés, voire se trissant devant les lourds reproches du tôlier… Voici donc le fameux Bobosse, alias Docteur, gravant au-dessus de son entrée « À bonne bedaine, rien d’impossible ». Mais ça, c’était à une autre époque, il y a une cinquantaine d’années, lorsque le ventre faisait partie des armoiries, qu’on l’arborait comme la hampe d’un drapeau imaginaire, celui d’un pays sans souci, bonhomme, gaillard et bon vivant. Aujourd’hui, la donne a changé. On est plus regardant, moins discipliné, moins dingo. Mais Bobosse est resté le même, toujours à pousser sa cahute, imposer sa prune flambée.

Paris, Quincy, salle
Même le soir de notre visite, une brave tablée de voisins parcheminés par la vie et le travail souhaite sauter l’entrée. Rien de tel pour énerver très vite Bobosse : « Mais on n’est pas dans un snack, ici, c’est un restaurant ! Et mon chiffre d’affaires ?! – Mais on est des voisins ! – J’m’en fous, c’est chez moi et faut manger ! » Ça rigole jaune et heureusement le senior attablé ne bronche pas, comme si on l’emboutissait au ralenti. Je le vois dans le collimateur, il a une tête de retraité encore ébouriffée ; ses abondants poils dans le nez ne frémissent pas. Il n’en a rien à battre de ce bonimenteur près de ses sous. Pour ma pomme, j’avais choisi un bouclier humain idoine : une préadolescente à mèche, surveillant la ligne. Bobosse un brin contrarié mais ne baissant pas les armes : « Même pas un peu de jambon pour patienter ? »
 

Paris, Quincy, cote de veau
Ici, donc, abondance et bombance, et Bobosse a raison, ce n’est pas un snack. Atmosphère vintage avec gros rires, grosses voix, moustaches et brouilly frais. Ça rigole, ça chahute, ça ne regarde pas l’assiette ; elle-même bonhomme, bonne femme, en sauce ; correcte au demeurant mais pas de quoi s’accrocher au rideau vichy. Amortie, penaude, manquant de chien, d’ampleur dans les saveurs, mais se rattrapant par la calorie : queue de boeuf de la Camille, pot-au-feu, chou farci, côte de veau… Les plats sont copieux et, à l’instar de la mousse au chocolat maison, on peut se resservir. Cette dernière est joliment artisanale, bien ourlée avec des petits éclats de chocolat et définit bien cette adresse de générosité un peu forcée, pousse-au-crime, délurée si l’on entre dans le pli et le knout calorique du patron.
 Question prix, on grimpe dans les 50 euros par personne, finalement pas donné, donc, avec petite surprise style Grande Roue de Paris, on ne prend pas les cartes de crédit !
L’Auberge Le Quincy 28, avenue Ledru-Rollin, XIIe. Tél. : 01 46 28 46 76. Fermé samedi, dimanche et lundi. Photos F.S
  • raoul
    7 mars 2013 at 19 h 56 min

    50 € pour une cuisine bourgeoise, pas de cb…
    Donc ce n’est pas de l’humour, mais bel et bien un escroc qui doit déclaré 2-3000 € par an (mes charges mon bon monsieur, mes charges…)
    Très bon article, plutôt crever qu’y mettre les pieds. Pas mécontent d’avoir quitté Paris sans être passé par ce piège à….

  • Yasaka20
    9 mars 2013 at 9 h 49 min

    Malgré ce genre d’adresses et celles servant du hamburger moins bon qu’à la maison dans un pauvre décor façon Starck, certains se demandent encore si Paris est une capitale de la gastronomie. Les très bonnes adresses sauvent l’apparence, mais pour combien de temps encore ? D’autant que nous avons notre classement UNESCO, lauriers prêts pour nous reposer dessus.