Villa mon Rêve, anthologique !

 De mon petit périple vers Nantes, voici une adresse qui me sèche à chaque fois…

La lumière est blonde, les bords de Loire somnolent. Nantes
bourdonne dans le lointain en ce samedi soir. A Basse-Goulaine, à la Villa mon
Rêve (2, levée de la Divatte, 02.40.03.55.50 ;www.villa-mon-reve.com), la
soirée est calme pour un samedi soir. On aura préféré des restaurants plus
vifs, conviviaux. Ici, il y a comme un cérémonial, celui de la politesse, de la
courtoisie. C’est parfois désarmant de passer directement de l’habitacle de son
automobile, ses automatismes, ses voix d’injonction (tourner à droite)… aux
années Soixante. C’est un vrai choc revigorant. On aurait voulu arriver en
Aronde, ou en 403, porter un pantalon en Tergal, chantonner du Richard Antony.
Ces adresses sont posées en dehors du temps pour tout dire. Elles résistent et
font des plats du même métal, ceux que nous adorons, les plats de résistance.
Ici, il y en plusieurs (brochet au beurre blanc, les cuisses de grenouilles
fraîches au Gros plant, les anguilles du lac de Grand Lieu persillées) mais il
en est qui nous renverse à chaque fois, c’est le canard challandais au
muscadet, pommes et raisins. C’est un monument de la cuisine française.
Pourquoi, parce que contrairement à d’autres institutions, il a été cuit
lentement et non précuit par le chef, Gérard Ryngel, grognard de la vieille
garde, commandeur de la casserole. Il a même reposé après la cuisson, ce qui a
permis au sang d’irrigué toutes les chairs. Qui plus est, il est découpé devant
vous, et ce plat devient alors magique. Rien de plus émouvant que la beauté du
geste, la découpe appliquée, de voir lentement sous vos yeux disparaître le
canard et le retrouver dans  votre
assiette. Tout autour, les quelques tablées se retournent et regrettent
probablement de ne pas s‘être laissé embarquer sur cette goélette.

 

En bouche, c’est incroyablement fondant, doux, savoureux. Il
n’y a plus rien à dire. Un plat se dresse alors dans sa dimension poétique.
Ensuite, il est difficile de passer à autre chose, même les fromages, même les
pâtisseries. Pourtant, la maîtresse de maison (Cécile Ryngel, grande figure de
cette maison, secondée par son fils, Jean-Michel) passe de table en table et
fait admirer un feuilleté pour deux personnes. On serait presque prêt à partir
pour un deuxième envol. Hélas, il faut le commander à l’avance. Une petite voix
dans votre tête soupire, et semble prononcer mécaniquement : <repartez
immédiatement>. On réglera cependant auparavant l’addition : comptez 70
euros pour le canard pour deux personnes et une trentaine d’euros pour un agile
chinon.