Ciel de Paris, vivre comme un touriste …


Paris, Ciel de P, salle
Quand on a vu le battage déployé dans la presse, les superbes photos ­design éclaboussant le papier glacé, les papiers dithyrambiques se pâmant sous la nomenclature, tout le monde a eu cette idée, un jour, de pouvoir réserver au Ciel de Paris, au 56e étage de la tour Montparnasse, pas vrai ? ! La réservation se fait par Internet exclusivement. Celui-ci vous chasse si vous demandez une heure honorable (20 heures): complet ! En tapant, 19 heures, ça passe et au passage, vous héritez d'un nouvel état civil: Mademoiselle. On recommande impérativement une tenue élégante. C'est encore mieux, la pression monte aussi vite que l'ascenseur de la tour. Un mufle passe devant madame, la soirée est lancée.
Paris, Ciel de P, entrée
Par chance, la teble  est le long du panorama (Paris, c'est trop beau!). Déjà, un couple maugrée parce que remisé en troisième rideau et sort alors un voucher.Il sera exaucé et replacé dans un meilleur endroit. Des enfants courent dans tous les sens, montrent leurs culottes, leurs canines. Ils font coucou du haut de la balustrade à un couple de dignitaires africains en contrebas, certes impavides mais sans doute catastrophés par l'état de nos mœurs en Europe. Les parents en chemise et pull sont en vrac, un cocktail (puis deux, puis trois) leur sert apparemment de pare-brise. Le personnel est livré à lui-même, parle comme en cuisine: «T'as pris les apéros de la 12?», «La dame est toujours au champagne?», «T'as vérifié, ils ont tous du pain?». Oui, répond-on quasiment au-dessus de notre table… Elle-même privée de ladite corbeille. Et tout ce cirque amical et gaillard, en live dans les oreilles de la clientèle. Parfois ça se marre sec, entre deux clins d'œil visant une table de jetlagués, purgeant leurs spleens au champ'. Les lumières sont trop fortes (oblitérant la plus belle du monde, celle de la ville), la musique nasillarde et lointainement niaise. Le décor est absent (quelques rondelles au plafond, la moquette havane en écho cerclé). Des ailerons bouchent un peu la vue, mais c'est design.
Paris, Ciel de P, canneton
L'assiette n'est pas aussi nulle que cela. Elle est même vaillante; ce qui ne paraît pas scandaleux vu le prix: le cœur de filet de bœuf et sa sauce aux truffes (hors saison, s'il vous plaît) culmine à 47 euros. Le canard sauvage à 36 euros, lui, s'en sort avec son confit aux épices, ses deux cuissons et sa sauce poivrade, mais la pluma ibérique zigzague sans entrain entre haricots cocos et croustillant de cèpes guère déchiffrable. Le feuilleté à la crème légère à la vanille Bourbon (13 euros, bouh!) a eu un problème dans son existence. Un truc de thermostat. Visiblement dans une vie antérieure, il a dû être un millefeuille. Puis ses parents, par un amour intempestif ou pour avoir lu les faits divers dans la presse, l'ont mis au fond d'un congélateur. Il en ressort tout «hiberné» comme disent pudiquement les professionnels. Il a la langue toute dure et ne dit plus rien. Ses gencives sont toutes fraîches. Il a oublié son texte. On l'abandonne sur sa banquise pendant qu'à la table d'à côté un serveur dessert en vrac les couverts, style cantine de comité d'entreprise. Le maître d'hôtel passe, tente de solliciter son pourboire («Voulez-vous de la monnaie?»). On ne le comprend pas. Ce qui finalement est assez logique.
Paris, Ciel de P, feuilleté
Le Ciel de Paris ,tour Montparnasse, 33, avenue du Maine, XIVe. Tél.: 01 40 64 77 64.www.cieldeparis.com. Comptez 80 € par personne.
  • Gicerilla
    17 novembre 2013 at 12 h 04 min

    Etonnant, j’y suis allée deux fois, et deux fois j’ai été « déçue en bien » comme ils disent ici ! Il faut prendre la formule « Grand écran » pour panorama assuré. La cuisine, que j’attendais passe-partout voire insipide, de celle qu’on sert en général aux touristes, pigeons voyageurs de passage à Paris, m’a parue digne et fraiche assez pour que mes papilles, au moins aussi exigeantes que les vôtres, se laissent embobiner. Rien dans mes choix ne m’a paru sortir d’hibernation et le champagne, brut, à volonté n’a pas démérité. Au final, une expérience plaisante avec le plus beau panorama citadin du monde à mes pieds… Finalement, moi, je le recommanderais !