Cartet, table libre et joliment barrée

Paris, Carter, table

Récemment, pour le Figaro Quotidien, je suis allé faire un tour dans cette table singulière de la République…

 

Ce sont des sortes de Robinson Crusoë. Ils sont sur une île. Combien sont-ils à bouder dans leur superbe ? Trop peu. Ces restaurateurs pas faciles ont du mal avec leur temps. Ce sont des bourrus, des désarmants. À la limite, les clients les ennuient un peu. Ils sont trop distraits, n’arrivent pas à l’heure, ne savent pas reconnaître  de belles terrines artisanales : <Vraiment, c’est vous qui les avez faites ?>. Lui : <Non, je les ai achetées en face, chez Go Sport>. Vous êtes effectivement au restaurant Cartet (62, rue de  Malte, 75011 Paris ; 01.48.05.17.65). Lorsque vous êtes arrivé, vers 20h20, le restaurant était fermé. Vous vérifiez l’adresse, envisagez déjà le plan de repli. La salle est éteinte, personne. A tout hasard, vous poussez la porte. Fermée. C’est bien notre chance. Soudainement, les lumières s’allument, le patron arrive, cavale dans sa salle,  déverrouille la lourde et apparaît sa face d’étonné, d’illuminé christique de la terrine artisanale. Vous ne pouvez pas imaginer comme c’est rassurant. Il est donc seul dans ce restaurant. Combien de tables ? Quatre. Deux seulement sont dressées ce soir. L’autre restera vide toute la soirée, c’est comme si nous avions privatisé l’établissement.

Paris, Carter, terrines
Le patron que l’on dit mal commode (n’aime pas les journalistes : c’est une qualité)  est pourtant super gentil. Conseillant les vins, rigolant de la conjoncture maussade : <Vous verrez, s’amuse t il,   si les socialistes gagnent, les restaurants vont à nouveau se remplir ; ça  a toujours été comme ça>. Voilà ce qui ne va pas arranger ses affaires. Il part en cuisine, ça grésille dans le lointain, on entend le claquement sourd des portes de frigo. La poêle chantonne et voici les rognons blondis, le chateaubriand (32€)claironnant son poivre. Un gratin dauphinois arrive dans la foulée, il sort du fond et s’avère onctueux, irrésistible. Pour le dessert (17€) , notre solitaire apporte de grandes jattes intactes de mousse au chocolat, crème caramel. C’est à peine si l’on ose attaquer la surface vierge. <Si vous voulez, je peux vous préparer une tarte au citron, je suis prêt !>. Cela nous chante ! Vingt petites minutes plus tard, le disque jaune (format 33 tours)  arrive. C’est délicieux. Voila donc ce Cartet,  presque insaisissable dans sa singularité. Étrange, comme une mongolfière survolant Paris, libre et un peu barrée. Pendant tout le dîner, la porte resta verrouillée, nous étions à la fois seul mais comme en totale sécurité. Rien ne pouvait nous arriver si ce n’est que des plats venus de naguère, une poésie parisienne, un temps volé.

Paris, Carter, gratin

  • Syl.
    26 avril 2011 at 10 h 19 min

    Je vous en voudrais presque de divulguer cette adresse, celle d’un lieu hors du temps.
    L’homme est bourru au premier abord, mais quelle passion pour son métier, quelles belles attentions pour ses rares convives, quelle maîtrise dans les cuissons de ses viandes et poissons (commandez la sole la veille : elle s’ajoutera au cabas de son marché du jour.
    Un repas dans cet endroit presque privé (le « client de passage », effectivement, se heurtera à porte close), c’est du bonheur en provision.
    Après un déjeuner ici, on se contentera, le soir, d’un potage léger…

  • a.o.
    26 avril 2011 at 12 h 06 min

    chhhhhuuuuuttttt….

  • Archie
    27 avril 2011 at 2 h 39 min

    Cher François, en France la révélation d’une information classée secret-défense est sévèrement punie par la loi. Défense contre le spleen, contre le relativisme, contre la misanthropie, sentiments-ennemis qui nous assaillent dans les endroits sans caractère. La forteresse Cartet est l’un de ces bastions imprenables où l’on trouve refuge les soirs de tempête intérieure. On en ressort toujours la fleur au fusil, réconciliés avec la Terre entière. En offrir les clefs à vos lecteurs, c’est pousser très loin le souci de la vérité. Tu me le paieras, espèce de Julian Assange de la critique gastronomique !

  • Hélène
    27 avril 2011 at 12 h 55 min

    Bourru et ingrat.
    Sarkozy a fait les poches du contribuable pour arroser les restaurateurs(un cadeau de plus de 2 milliards d’euros par an),dès lors faire l’apologie des socialistes(favorables à une augmentation de la TVA dans la restauration)ne manque pas de sel!

  • lovelovenippon
    28 avril 2011 at 17 h 54 min

    dame da yoo minna ni oshiechau no///asoko no chefu san nihongo hanaseru yo…..!

  • Syl.
    5 mai 2011 at 14 h 50 min

    @Hélène : « bourru et ingrat », ou honnête ?