17 novembre 2007

Le croque-notes
de François Simon

Manger, les doigts sur la couture.

Ces histoires n’intéressent personne mais, vous le devinez, en coulisses, un mauvais papier sur un restaurant n’est marrant pour personne. Avec Guy Savoy, c’est gratiné. Depuis dix ans, c’est une guérilla nourrie par des repas pas mauvais dans l’ensemble mais régulièrement décevants. Voilà tout. Étant le seul dans cette indocilité, j’ai toujours eu du mal à manger les doigts sur la couture du pantalon. Du coup, lorsqu’il s’agit de retourner tester sa table (18, rue Troyon, 75017 Paris ; 01 43 80 40 61), c’est un peu mettre l’index dans la prise de courant.

Le service est toujours aux petits soins (avec en sommellerie, un type extra, Éric Mancio). Pourtant, le repas débuta à l’envers : les coquilles Saint-Jacques (62 euros), la crème de lentilles-homard (65 euros) avaient réellement du mal à décoller, ne parvenant pas bien à articuler leur propos, encombrées du gras d’herbes frites (fanes de carottes, shizo japonais). Là, j’ai eu des sueurs froides, une sorte de gong livide. On a l’impression de ne plus être à la hauteur, de ne pas être sensible à la pression du bonheur. Et puis, le saint-pierre pour deux (150 euros) est arrivé. Le ciel envoyait un angelot qui réalisa une cuisson parfaite et un accord divin (j’vous jure !) avec salsifis, noix et petite sauce montée. C‘était extra, posé comme du Satie, pas ramenard, doux, bienveillant. Indulgent. La sommellerie avait pigé qu’il y avait là une tablée sur des charbons ardents et avec deux verres de condrieu et un de chassagne-montrachet, allongea le duo dans un coin du ring. Il ne restait plus qu‘à lever les yeux au ciel, goûter cet univers très masculin, parisien, les lumières tristounettes de la salle non-fumeur, un bonheur entraperçu. Dessert aimable (ce qui devient rare dans un grand restaurant) avec des mandarines poêlées taquinées par une préparation pralinée. Pas trop d’esbroufe (ouf), du doigté. L’addition arriva avec un score digne de la catégorie : 443 euros.
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