Le gentil crêpage de chignon qui se déroule en Catalogne tombe à pic. Il va faire sortir du bois les défenseurs de la cuisine classique lassés de cette exposition philatélique qui plombe la gastronomie depuis quelques années. L’ennui, c’est que Ferran Adria devienne l’incarnation d’un fléau alors qu’il a donné au monde de la cuisine une sorte de merveilleux épatant, oscillant entre Einstein et Mary Poppins.
C’est un des meilleurs chefs de notre temps. Le seul souci, c’est que le monde de la cuisine a une vieille manie : copier. Et ce, à la truelle. Au début, ce n’était pas grave. Quelques-uns s’engouffrèrent illico dans la mode. Ils proposèrent aux gogos ébahis des verres à vodka où l’on empilait, le front plein de tourments, mozzarella, basilic et tomate. On pensait que cela allait durer le temps d’une soirée de l’Eurovision. Bernique. Le mal s’est installé à Paris, puis en province. Maintenant, la fuite auréole les plafonds des sous- préfectures.
En France, la profession lève les yeux au ciel comme si cette histoire ne la concernait pas. Les chefs français font penser à ces défenseurs de football qui dévastent un avant-centre en un râteau assassin. Puis lèvent les bras au ciel comme s’ils n’avaient rien vu, pendant qu’à terre se tord de douleur notre oisillon. Que je sache, les Français furent les premiers à allumer le feu de brindilles. Soudainement, alors qu’il nous enchantait dans son restaurant de Rosas, il y a une dizaine d’années, Ferran Adria fut bombardé meilleur chef au monde par l’un de nos ténors, histoire de faire bisquer un ambitieux rival. Quelque temps après, Marc Veyrat rajouta de la chevrotine, en déclarant qu’en France, personne ne créait (à une seule exception près : lui-même). Selon lui, il fallait aller en Espagne pour sentir frémir le génie.
La presse anglo-saxonne, sous couvert également de règlement de comptes politique (la guerre en Irak), s’enfonça dans la brèche et plaqua aux murs une France « déclinante, has been et dépassée ». La France dépecée a bien mis une dizaine d’années à se remettre sur pied. L’épisode suivant est prêt, bien fumant. Logiquement, on ne devrait pas tarder à nous servir la manchette suivante : « la haute cuisine nuit à la santé ». C’est clair, les Espagnols (ou un malheureux innocent) vont morfler. Au-delà du côté absurde de cette vindicte, le vrai problème n’est, une nouvelle fois, pas Ferran Adria mais les apprentis chimistes qui azotent à tout va, défractionnent les ailes de poussin et mettent le petit pois au carré. Partout en France, on rencontre des cuisines marchant l’entonnoir sur la tête, la langue verte (à venir : l’encre de petit pois) et les estomacs en huit.
Rassurez-vous, cela devrait nous valoir dans une saison ou deux le grand retour de la cuisine naïve (ou brute, c’est selon). On verra alors les mêmes chefs ressortir la voiture du grand-père, la baratte de la maman, la tétine du rejeton. On sanglotera devant la cuisine de l’émotion, de la repentance et des coeurs brisés. La France bourdonnera de félicité factice. Avec en set suivant : la réhabilitation de Faustus. On entendra d’ici Ferran Adria rigoler de ce que reste la cuisine : une farce joyeuse, de mauvaise foi, truculente. Et parfois bonne.
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Voila une vision formidable : " on rencontre des cuisines marchant l’entonnoir sur la tête..."
Le monde est vraiment bien fait puisqu'il existe déjà quelques critiques qui portent l'entonnoir.
En réalité, il s'agit davantage de "blogniqueur gastrocomique" que de critique, mais certain se présente abusivement dans les restaurants avec la fausse qualité de journaliste gastronomique en affirmant trompeusement appartenir à la rédaction d'un magazine.
Ils dénigrent tout et tous, ils rêvent de répandre la terreur partout où ils vont. Et il faut impérativement les inviter sous peine de menace d'un mauvais article dans un blog.
Un des membres les plus actifs a déjà eut 3 blogs fermés sous lui par ses hébergeurs. Il vient de reprendre du service dans un blog M..de ( pardon M.......2).
Et comme il se doit, lui et ses amis donnent des leçons de comportement et disent "œuvrer pour que les pros se comportent comme des pros, pas comme une mafia". Ces personnages veulent régenter une profession qui n'est pas la leur, qu'ils jalousent et dont ils ignorent tout.
Et lorsqu'on découvre leur comportement consternant, cela en devient hilarant!
Rédigé par : alain | 12 juin 2008 à 19:14
J'ai eu la chance d'aller chez Ferran Adria en 2004 (depuis, impossible de réserver) et c'est vrai que c'est extraordinaire. Le seul reproche que je ferai n'est pas l'utilisation de la chimie, mais l'absence de recherche sur la qualité de certains produits à la différence de Gagnaire (d'accord avec J. Perrin, un vrai génie), d'Arzak ou de Veyrat même si celui-ci copie trop Adria dans la forme. Là, les produits ont du goût. La plus jeune génération devrait se concentrer sur une meilleure harmonnie produits/saveurs/texture au lieu de copier Adria et de critiquer les anciens.
Rédigé par : Eric Annecy | 10 juin 2008 à 17:39
On se demande a qui va servir ce debat?
Alors que Santi Santamaria a fait une déclaration contradictoire où il reconnait se servir également des texturants, aucun journaliste n'a repris...une mauvaise pub pour la sortie d'un livre et l'occasion pour d'autres de taper sur ce type de cuisine....
Rédigé par : stephane | 10 juin 2008 à 11:18
A quel titre la gastronomie échapperait-elle au phénomène de mode ?
Qu'on se rappelle Audiard : un client part, un autre arrive !
Un restaurant est fait pour satisfaire des appétits. Elémentaire. Mais pourquoi donc tant de chefs oublient cette base ?
Rédigé par : mauss | 09 juin 2008 à 19:22
Visiblement le sujet vous inspire, François Simon (excellente la métaphore des défenseurs sainte-nitouche)! Cela dit, rarement dans l'histoire de la gastronomie contemporaine aura-t-on été en présence de tels clivages. Va-t-on assister à un véritable schisme ibérico-planétaire ?
Rédigé par : Jacques Perrin | 09 juin 2008 à 18:53
Visiblement le sujet vous inspire, François Simon (excellente la métaphore des défenseurs sainte-nitouche)! Cela dit, rarement dans l'histoire de la gastronomie contemporaine aura-t-on été en présence de tels clivages. Va-t-on assister à un véritable schisme ibérico-planétaire ?
Rédigé par : Jacques Perrin | 09 juin 2008 à 18:52
la solution c'est Mr Gagnaire:le vrai génie c'est lui
Rédigé par : bertrand | 09 juin 2008 à 17:02