Julien JalAl Eddine WEISS

L'ouverture des horizons culturels

Alsacien par son père, suisse par sa mère, Bernard Weiss est né et a grandi à Paris.
Au début des années 70, comme beaucoup d’adolescents de sa génération, ce guitariste de formation classique (il entre en 1965 à l’Ecole Normale de Musique) remet en question les valeurs de la culture occidentale et se laisse happer par la fièvre de la route. Ses voyages le mènent en Californie, au Maroc, puis aux Antilles ; il ouvre ses horizons culturels et se fait rebaptiser Julien par une jeune vénézuélienne, Isabelle Sotto, fille du fondateur de l’art cinétique.

De retour en France en 1974, il compose plusieurs pièces pour la guitare classique, et participe à une création du metteur en scène tunisien Sharif Allaoui.
En 1976 à Paris, lors d’une soirée chez le futur ministre de la culture Egyptienne, Farouk Hosni, l’écoute d’un disque du musicien irakien Mounir Bachir, grand maître du Oud (luth oriental le bouleverse au point qu’il abandonne la guitare classique et les harmonies jazz pour se lancer corps et âmes dans l’étude du luth arabe et des lois raffinées régissant la musique micro tonale orientale. Mais très vite, les limites de l’instrument le frustrent et lorsqu’il découvre les richesses offertes par la cithare orientale « le qanûn » la quête de Julien Weiss prend tout son sens. Dès lors il parcourt l’Orient et, de Tunis à Beyrouth, de Bagdad au Caire, d’Istanbul à Damas, il suit l’enseignement de grands maîtres. C’est ainsi qu’il devient le disciple puis l’ami de Mounir Bachir en l’honneur duquel il composera une « Suite Bagdadienne » interprétée lors du Festival de Babylone en Irak.


Acharnement et recherches musicales approfondies

Peu à peu Julien Weiss, par son acharnement et six heures de travail quotidien, devient un virtuose du qânun (cithare trapézoïdale à cordes pincées munie de résonateurs en peaux de poissons). C’est aussi un expert de la musique arabe classique, dominant toutes les complexités des gammes et des modes orientaux. Il se consacre de nombreuses années à l’étude des traités musicaux des Grecs Antiques comme ceux d’Aristoxène de Tarante et des Arabo-Persans comme Al-Kindî, Al-Farabî, Avicenne, ainsi que les théoriciens turcs, byzantins et même occidentaux, puis se livre à une étude comparative avec la pratique empirique des musiciens et chanteurs de l’Orient moderne.
Ainsi, il s’aperçoit au cours de ses continuels voyages que la notion de modalité, loin d’être fixe auprès de la conscience musicale arabe, fluctue d’un pays à l’autre et à l’intérieur même d’une région, variantes qui ne semblent guère embarrasser les musiciens. Il a donc cherché par tous les moyens à imposer un jeu où la justesse prend le pas sur la marge de tolérance accordée ici et là. Ses recherches le conduisent à faire construire à Izmir un qanûn original, par le luthier turc Egder Gülec : un système judicieux de clapets lui permet d’obtenir une division du demi-ton en micros tons inégaux de sept parties et huit intervalles, le nombre de cordes porté des 78 habituelles à 102 étend les possibilités de l’instrument à 5 octaves et lui donne dans le grave une couleur toute nouvelle. Avec cet instrument prototype (en fait une série de 9 vont se succéder), il peut ainsi accompagner avec une précision diabolique un musicien quel qu’il soit et d’où qu’il vienne. En 1990, le Prix de la Villa Médicis Hors les Murs, vient consacrer ses travaux sur la micro tonalité en musique arabe.


Musique instrumentale et chant classique

En 1983, il fonde l’ensemble instrumental Al-Kindî dont le nom fait référence au philosophe, mathématicien et astronome irakien du IXe siècle, Abu Yusuf Al-Kindî, père de la théorie scientifique de la musique arabo-musulmane.
Al-Kîndi est conçu comme un takht, un regroupement de solistes dont le joueur de ney Ziyâd Kâdî Amin, le luthiste Muhammad Qadri Dalal et le percussionniste égyptien Adel Shams el Din sont désormais les piliers. Ensemble, ils explorent les répertoires classiques sacrés et profanes en recherchant les œuvres les plus authentiques et les moins diffusées.
Conçu à l’origine comme un groupe exclusivement musical, JJ. Weiss se rend à l’évidence qu’en musique arabe le chant est indissociable de la musique, et que c’est dans le chant que s’exprime toute la richesse et les nuances de cet art. Seul ou avec Al-Kindî, il accompagne dès lors les grands interprètes du chant profane ou sacré, tels le tunisien Loufti Bouchnak, l’irakien Hussein Ismâïl-al-Azami, les syriens Sabri Moudallal, Omar Sarmini et Adib Daiykh, ainsi que l’hymnode de la Grande Mosquée de Damas Sheikh Hamza Shakkûr. Avec ce dernier, il explore la liturgie soufie de Damas et élabore un programme musical envoûtant, concert sacré rythmé par la danse rituelle des Derviches Tourneurs et présenté depuis sa création en 94 sur les plus prestigieuses scènes du monde entier.
En 2003, il explore le sublime répertoire de la confrérie soufie Qaderiya d’Alep avec le chanteur Sheikh Habboush.
Depuis, JJ. Weiss enrichit ses rencontres notamment dans la ville d’Istamboul où il a élu domicile depuis 2005 en collaborant notamment avec le chanteur Dogan Dikmen, spécilaliste de l’époque ottomane.
 
En 1983, il crée également une rubrique sur la musique arabe dans la revue de sciences politiques « Grand Maghreb ».
En 1986, le Français se convertit à l’Islam et devient Jalal Eddine  en hommage au fondateur de l’ordre des derviches tourneurs Jâlal Eddine Rûmi.
La même année, commence une collaboration avec Mohamed Aziza, recteur de l’Université Euro-Arabe itinérante ; il organise des concerts dans le cadre des conférences données par l’Université, et dirige un Festival de Musique à Bologne en 87, pour la célébration du Ixième centenaire de la première Université d’Europe. Il reçoit à cette occasion la médaille Alma Mater Studiorum.

La rigueur et la qualité du travail de l’ensemble Al-Kindî, ses créations originales inspirées par des thèmes évocateurs de l’Orient « Le Salon de Musique d’Alep », « La Passion des Mille et Une Nuits », « L’Art Sublime du Ghazal», « Poètes et Musiques Arabes du Temps des Croisades »…lui ont valu de nombreuses distinctions discographiques (Diapason d’Or, Choc du Monde de la Musique…), la reconnaissance des médias (reportages, portraits, documentaire produit par Canal Plus en 1997), et la fidélité d’un public toujours plus large, et présent chaque année aux rendez-vous donnés au théâtre de la Ville de Paris, au Queen Elisabeth Hall de Londres...


L’aboutissement du « rêve d’Orient »

Poussant toujours plus loin son immersion dans la culture orientale, Julien Weiss fait l’acquisition en 1995 de la maison de ses rêves, un palais Mamelouk du XIVéme, niché au cœur de la vieille ville syrienne d’Alep, à proximité de ses Souks millénaires et de leurs senteurs orientales. Dans ce lieu magique et stimulant, quand les prestigieuses tournées internationales et les enregistrements discographiques lui en laissent le temps, il travaille à la préparation de nouveaux répertoires, à la découverte de voix et de traditions méconnues, à l’observation des nombreuses confréries mystiques qui l’environnent et se passionne pour l’art architectural et décoratif islamique.
Enfin, dans son salon de musique, renouant avec d’ancestrales traditions de cette cité mythique, réputée pour être une des villes les plus mélomanes du monde arabe, il convie régulièrement des musiciens, des voisins ou des  étrangers de passage qui autour d’une tasse de thé ou de café partagent des heures durant les délices de la musique arabe classique la plus pure qu’elle soit sacrée ou profane.

Aujourd’hui, l’aventure de Julien Jâlâl Eddine Weiss se poursuit ; l’impossible rêve du musicien français : être reconnu comme l’un des leurs par les grands noms de la musique arabe, est devenu une réalité en Occident mais aussi à Babylone, Baalbeck, ou Fès, où son nom est désormais lié à la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine musical arabe et font de lui un artisan reconnu du dialogue Euro-Arabe.

Le 14 juillet 2001, il a été ordonné Officier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture Française, Catherine Tasca.


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