Ce ne doit pas être marrant tous les jours d’être grand chef dans un palace. On a ses patrons sur le dos qui rêvent lourdement de trois étoiles. Il y a les clients qui s’en fichent un peu, et puis le sourd bourdonnement des inspecteurs en costume gris. Que faire pour épater la galerie, rassurer la direction et plaire aux clients ? Sans, de surcroît, oublier d’épouser son époque… Cette dernière, on le sait, est assez farceuse. Une nouvelle vogue est arrivée, plutôt absconse, allusive, exaltant le produit tout en lui faisant faire la danse de Saint-Guy.
Prenez Le Bristol avec Éric Frechon. On les dit régulièrement au bord de la troisième étoile (tout comme Les Ambassadeurs de Jean François Piège ou Cordeillan-Bages de Thierry Marx - voir la rubrique Vite ! une adresse). Mais à chaque fois, ça passe à côté, d’un cheveu. Alors, ils remettent la pression, veulent faire plus. Ils prennent des risques (le muscle sacré de la création) quitte à se prendre les pieds dans le tapis rouge.
Le Bristol : 112, rue du Faubourg- Saint-Honoré, Paris VIIIe, tel. :01 53 43 43 40
Dali au Meurice : 228 rue de Rivoli, Paris 1er, tel. : 01 44 58 10 44.
Photo/DR/ Dali/Le Meurice
Il y aura bientôt un an, j’ai rencontré une personne dont je suis très amoureuse ; les trottoirs de la Rue Royale ont été les premiers que nous avons arpentés ensemble, avant de terminer la soirée au bar du Crillon …Pour fêter ce souvenir là et ceux à venir, j’ai dans l’idée de réserver une table aux « Ambassadeurs »… et patatras ce matin lorsque , dans ma revue de presse quotidienne je tombe sur le croque notes de ce week end… l’angoisse de me prendre les pieds dans le tapis de « l’œuf coque sans coque », lorsque je lis vos mots : « à quoi bon se ruiner dans des arabesques louables mais maigres sur le plan émotionnel ? »…
Moi qui suis si sensible à vos mots, à vos émotions, qui vous suis si reconnaissante d’avoir rétabli la vérité sur le compte d’Hélène Darroze, pouvez vous m’éclairer sur Monsieur Piège ? a-t-il lui aussi du mal à résoudre l’équation ?
Existe-t-il à Paris, une table digne de ce nom, simple et généreuse ?
Merci pour vos mots et pour l’attention que vous voudrez bien avoir pour cette demande.
Pardon de vous écrire dans une rubrique "commentaires" mais je ne trouve pas votre adresse mail!
Rédigé par : Aurélie | 07 février 2008 à 16:51
Quand Yannick Alléno a débuté aux Muses, le resto de l'hôtel Scribe, le menu dégustation était à 60 euros (une magnifique séquence de 7 services, un sans-faute épatant). Il a rapidement obtenu deux étoiles, la troisième étant inaccessible à une salle en sous-sol aussi étrange que celle des Muses, et à une carte si peu onéreuse, qui n'autorisait qu'un usage parcimonieux du caviar et de la truffe noire. Une cuisine à taille humaine pour quelques couverts et quelques euros, une brigade guère nombreuse : les circonstances obligeaient à la simplicité.
C'était la bienveillance des tarifs qui parfumait l'assiette. Et même si techniquement la cuisine de Y.Alleno a encore progressé, je n'ai jamais retrouvé au Meurice ce sentiment de bien-être absolu qui me faisait partir des Muses avec le sentiment de n'avoir pas payé assez.
Les cuisines du Meurice sont une "Ferrari" disait Y.Alléno à son arrivée, et il en a fait un usage digne de Schumacher. Mais à force d'accélérer, parfois, on perd de vue ce que la route à de plus beau, et qui ne s'apprécie qu'au ralenti : la douceur du paysage.
Rédigé par : Archie | 03 février 2008 à 10:53
Dali?! ДА! (= Va pour le Dali, au Meurice)
Le Dali, donc. Voyons voir cela. Mmmm ! (OMGod ! mais c’est que je pique(ore) dans la terminologie du maître de séant, maintenant !) … Linguine noirs aux palourdes, fricassée de volaille au vin jaune, nage exotique à la fleur d’oranger… le menu est à peine effleuré que l'on se sent devenir lumaca (= limace. Ne m’en voulez pas mais je préfère la version au thème. Une question de sonorité, on dira). Et même pas peur, avec ça ! Même pas après un training d’une semaine de pasta-show sauce Raging Bob (le principe de satiété semble inopérant sur ma pomme : plus j’en vois, plus j’en veux, je dois avoir l’inconscient capitaliste). Sauf qu’à 30 euros le plat de pâtes, personnellement, je ne saurais me contenter de qualité, d’authenticité, de certifié conforme (tout ce bla bla limite régressif qui fait la fortune des bistrots d’ « amis américains »), faut que ça surprenne un tant soit peu quand même, quitte à tomber dans le Piège (Jean-François, qui non content de déconstruire l’édifice d’amidon, met de la crème (!), du lard (!!) et du parmesan (!!!) dans sa carbonara*… Hystérie collective de l’autre côté des Alpes, je ne vous en dis rien !)
Petite digression "chiffons" à valeur d'argument: Imaginez que John Galliano que j’affectionne éperdument signa (notez l’utilisation du passé simple…) ses plus belles collections de prêt-à-porter pour Christian Dior, à l’aube des années 2000, quand il livra aux divas enchanélisées des rédacs’ ses extraterrestres grimées en clochard(e)s célestes. Haillons, couleurs criardes, bondages SM mais proportions impeccables, matières soyeuses – ou presque, fini parfait. Les codes rassurants de la maison étaient respectés, mais le génie claquait en décharge d’adrénaline à chaque – grande – enjambée. Pour des fringues destinées à toucher un public – un peu…– plus large que les seules clientes couture, supposées plus avant-gardistes, c’était drôlement osé. Et tout compte fait (et on sait compter dans la holding Dior-LVMH) bien vu.
Alors faut-il convier le risque dites-vous, (pour faire écho au titre de cette chronique publiée in extenso chez la femme du coiffeur) ? ... Ben oui, un petit peu, surtout à la table d’un grand chef, surtout quand celui-ci se retrouve en roue libre à travailler sur des sujets rabattus. Sinon, même avec la meilleure seiche du monde et les palourdes du jardin (!), les nouilles de Yannick (ou celles d’Eric, j’extrapole !) ne vaudront jamais les miennes, encore moins celles de la lagune. Et Philippe Starck ne sera d’aucune aide (et l’on pourrait dîner dans une salle agrémentée des seuls canapés de la collection « Privé » créée pour Cassina que cela n’y changerait rien).
Tiens un p’tit défi pour la nouvelle année, François Simon : le top ten des pasta spot parisiens (top ten, j’dis ça comme ça, y’en p’têt’ même pas autant, hélas !…). Et au fait pour l’anecdote, avant de raccrocher le homard, le repas fut-il sans ou « sang pour sang » ?
* démonstration en direct lors des rencontres Madridfusiòn. L’homme est hardi. Essayez un peu, vous, de rompre le continuum sinueux d’une assiette de tagliatelle sous l’œil de ne serait-ce que d’un seul transalpin. Savonarole n’aurait pas osé.
Rédigé par : opium | 02 février 2008 à 22:04